Visions des Indes dans l’opéra français du XIXe siècle
L’Inde, avec ses Dieux, ses brahmanes aux rituels étranges et ses temples ornés, fascine les Occidentaux du XIXème siècle, et en particulier les Français, friands d’exotisme et d’orientalisme. Cette Inde largement fantasmée devint un cadre idéal pour les compositeurs d’opéra en quête de lieux féériques propices à la création de décors somptueux et de musiques enivrantes.
Des thématiques récurrentes :
Dès le XVIIIe siècle se met en place une tradition de représentation de l’Inde, marquée par des canons auxquels se conformeront ensuite la plupart des compositeurs d’opéra.
En 1770 est créée la tragédie de Lemierre La Veuve du Malabar ou l’Empire des coutumes, mettant en scène le combat des Lumières contre l’Empire des coutumes et de la religion.
Un beau soldat tombe amoureux d’une belle bayadère du cru. Il représente la raison virile et l’Indienne est une allégorie de la sensualité orientale. L’œuvre met aussi en scène le personnage du grand prêtre de Brahma, figure combinant despotisme oriental et fanatisme religieux. L’héroïne se donne finalement la mort sur le bûcher, selon le si tristement célèbre rite du Sati qui impressionne tant les Occidentaux.
Les Bayadères, opéra de Catel sur un livret d’Etienne de Jouy, créé en 1810 intègre une marche des brahmanes et un ballet « oriental » : les danseuses indiennes deviendront un passage obligé de tout opéra orientalisant. Le cocktail d’amour, d’exotisme et de violence assurera le succès de l’œuvre qui sera notamment choisie pour l’inauguration de la nouvelle Salle Le Peletier en 1821.
Ecoutez cette musique qui évoque vraiment Mozart, et notamment sa Flûte Enchantée ! Mais pas d'orientalisme musical encore à l'époque...
Les Indes, vues par les Occidentaux, auront désormais souvent les mêmes caractéristiques :
- Poésie des décors somptueux. Inde idyllique et paradisiaque, nature luxuriante, « les splendeurs lointaines de ces pays de verdure et de lumière ».
- Etranger fanatique, religion peu connue mais aux noms à la force évocatrice : Brahma, Dourga…
- Pureté de l’étrangère : plus proche de l’état de nature, plus authentique, sincère et profonde que l'Occidentale.
- Amours impossibles, symbole de l’impossibilité de fusions des cultures, utopie d’une union des civilisations.
- Un voyage risqué : entrainant une confrontation à l’altérité, il est dangereux pour le voyageur mais aussi pour la société d’accueil qui peut connaître une rupture de son équilibre.
La musique indienne :
Depuis le XIXe siècle, les compositeurs commencent à disposer d’informations fiables sur la musique indienne, grâce aux recherches des orientalistes de Calcutta depuis le XVIIIe.
William Hamilton Bird employé de la compagnie des Indes et musicien, s’est intéressé aux formes locales de musiques et a retranscrit des mélodies indiennes sur instruments européens, relevant le défi de convertir les mélodies jouées sur les 22 intervalles inégaux de la musique indienne classique dans le tempérament occidental.
Des Maharajas occidentalisés se sont par ailleurs adjoint des orchestres de musiciens indiens envoyés à Londres pour y apprendre la musique occidentale.
En 1834, le Capitaine Augustus N. Willard écrit un traité : "A treatise on the Music of Hindoostan."
En 1869, François-Joseph Fétis, musicologue belge écrit une « Histoire Générale de la musique ». Dans ce traité destiné à des musiciens européens, il y transcrit notamment dans le tempérament occidental la tessiture des instruments indiens. Il participera ensuite à la l’écriture de l’Africaine et l’organisation de sa création posthume. Les danses de Lakmé sont notamment inspirées du traité de Fétis.
La gamme orientale est celle-ci :
Le Roi de Lahore, Massenet
Livret de Louis Gallet, création à l’Opéra Garnier en 1877
Œuvre charnière dans la carrière de Jules Massenet, Le Roi de Lahore le fait passer d’un semi-anonymat à la notoriété. Après la création de Don César de Bazan à l’Opéra-comique en 1872 et le succès de son oratorio Marie-Madeleine, Massenet se lance dans la composition de nouvelles œuvres lyriques, mais il ne parvient pas à les faire accepter à l’Opéra.
En 1876, il obtient finalement une audition suite à la demande de Louis Gallet, librettiste du Roi de Lahore. Après une interprétation au piano, l’opéra est immédiatement accepté et créé avec une magnificence scénique exceptionnelle.
Ce sera le second nouveau Grand Opéra représenté dans le tout nouveau Palais Garnier après l’échec complet de la Jeanne d’Arc d’Auguste Mermet.
Il s’agit d’une légende de l’Inde rapportée par le Marquis de Beauvoir dans son livre « Voyage autour du monde ». L’histoire, se rapproche autant de La Vestale de Spontini que des Pêcheurs de Perles de Bizet, et intègre une dimension surnaturelle rare à l’opéra français et qui a dû frapper les imaginations.
L'action se passe en Inde à l'époque de l'invasion du sultan Mahmoud au XIe siècle. La prêtresse Sita aime d'un amour partagé le roi Alim, mais elle est aussi convoitée par son ministre Scindia qui dénonce le sacrilège. Alim, pour expier sa faute, va combattre l'envahisseur et Scindia profite de la mêlée pour le frapper à mort. Il prend le pouvoir et contraint Sita au mariage. Cependant, au paradis d'Indra, Alim obtient de revenir sur terre comme simple mendiant à la condition de mourir en même temps que sa bien-aimée.
Voici le ballet au paradis d'Indra :
Et le final :
Alim se retrouve sur Terre, plein d'espoir ! Ecoutez Rolando Villazon dans un de ces plus beaux enregistrements :
Mais Scindia aime toujours Sita :
Lors du mariage de Sita et Scindia, Alim apparait et dénonce les crimes de ce dernier. Sita le reconnait et s'enfuit avec lui, mais ils sont découverts. Sita se tue et Alim meurt avec elle : tous deux montent au paradis des bienheureux.
Les Pêcheurs de Perles, G. Bizet
Opéra en 3 actes sur un livret d’Eugène Cormon et Michel Carré, créé à Paris au Théâtre Lyrique, 30 septembre 1863.
L’opéra est composé dans une période difficile pour Bizet, accablé par les travaux alimentaires et très affecté par la mort de sa mère en 1861. Son opéra en un acte La Guzla de l’Emir aurait dû être monté à l’Opéra-Comique, mais Bizet le retire au profit des Pêcheurs de Perles au Théâtre Lyrique qui peut recevoir une subvention pour la production du premier opéra en 3 actes d’un jeune Prix de Rome. L’opéra, commandé au printemps 1863, est terminé en août 1863, sur un livret un peu bâclé reçu en juin : « si nous avions connu le talent de Bizet, nous ne lui aurions jamais donné cette pièce. » diront les librettistes.
Bizet a une grande facilité d’écriture dont il se méfie et il n’arrive pas à juger ses propres œuvres. Les projets avortés s’accumulent. Cette commande officielle aura l’avantage de forcer Bizet à terminer un opéra et à se créer un style propre. L’orchestre est très expressif. Il joue un rôle essentiel. Bizet travaille à réunir intimement les dimensions théâtrales et musicales de l’opéra, ce qui le fera qualifier de « wagnérien » ! Ce style s’épanouira progressivement dans un autre opéra exotique « Djamileh ».
La première a lieu le 30 septembre et l’opéra ne connaîtra que 18 représentations et est rapidement perdu de vue, ne survivant que sous forme de morceaux choisis, dans les salons et concerts. La version italienne connaît par contre un beau succès en Italie. En 1916, l’œuvre est créée avec succès à New-York par Caruso, mais il faudra attendre sa reprise à l’Opéra-Comique en 1932 pour qu’elle s’inscrive enfin au répertoire.
L'histoire se passe au Sri Lanka (Ceylan), dans un village de pêcheurs de perles. On chante et danse pour chasser les mauvais esprits. Zurga est élu chef, et rejoint par son ami d'enfance Nadir. Ils évoquent tous deux le souvenir d'une prêtresse de Kandy dont ils étaient tous deux amoureux... mais que cela n'entache pas leur amitié : ils réitèrent leur voeux de renoncer à cet amour !
Arrive alors Leïla, la prêtresse dont le chant doit protéger le village et les pêcheurs de la colère des flots. En action de grâces pour ses prières, la prêtresse recevra la plus belle perle.
Devant Zurga, elle réitère ses vœux de chasteté et promet de ne jamais quitter le voile qui la cache, la violation de ce serment en serait cruellement punie. La cérémonie se termine. Leïla gravit le sentier jusqu'au temple, suivie du grand-prêtre Nourabad. Du haut du rocher, elle chante ses paroles sacrées. Mais Nadir reconnaît sa voix et décide de la rejoindre. Il n'a jamais pu l'oublier.
Restée seule, la prêtresse chante son amour pour Nadir et le bonheur de le revoir ; la voix de celui-ci vient alors se mêler à la sienne. Mais Nourabad les découvre et les dénonce à Zurga et aux pêcheurs.
Zurga, pris de jalousie, les condamne à mort. Une tempête se lève, les pêcheurs, terrorisés, sont persuadés qu'il s'agit de la vengeance de la mer offensée.
Zurga est rongé par la culpabilité. Leïla vient alors se jeter à ses pieds, en le suppliant d'épargner Nadir, offrant sa vie en échange. Mais l'amour qu'elle éprouve pour Nadir ne fait qu'augmenter la jalousie et la colère de Zurga. Voyant son heure venir, Leïla confie son collier à Zurga et lui demande qu'il le porte à sa mère après sa mort. Zurga identifie immédiatement le gage confié autrefois à celle qui lui avait sauvé la vie. Reconnaissant, il décide alors de sauver les deux amants en leur permettant la fuite.
L'exécution se prépare, le bûcher est dressé au pied de la statue de Brahma. Mais pour faire diversion et éloigner les pêcheurs qui attendent l'exécution des deux traîtres, Zurga a mis le feu au village. Les Indiens partent en désordre, Zurga brise les chaînes des condamnés, Leïla et Nadir prennent la fuite en remerciant Zurga qui reste seul face à son village dévasté et son amour perdu.
Entre Orient et Occident
Deux grandes œuvres du répertoire lyrique français sont dramatiquement construites autour du contraste entre Orient et Occident (une problématique que l’on retrouvera plus tard dans des œuvres telles que Madame Butterfly, Le Pays du Sourire etc.)
L’Africaine, G. Meyerbeer (1865)
L'Africaine est le dernier opéra de Giacomo Meyerbeer, sur un livret d'Eugène Scribe. La première représentation a lieu le 28 avril 1865 à l'Opéra de Paris.
Son élaboration s’est étalée sur plus de vingt ans, avec une succession de versions, tant du livret que de la partition. Meyerbeer meurt en mai 1864, le lendemain du jour où il met un point final à sa composition. Le travail de révision lors des répétitions est confié au musicographe belge François-Joseph Fétis qui ne peut résoudre toutes les contradictions inhérentes à une durée de gestation aussi longue. Il restaure le titre original L’Africaine à un ouvrage rebaptisé entretemps Vasco de Gama et dont l’héroïne n’est plus africaine. En dépit de ces vicissitudes, l’opéra connaît un triomphe dès sa création et parvient à se maintenir au répertoire.
Vasco de Gama supposé né en 1469 à Sines au Portugal et mort le 24 décembre 1524 à Cochin aux Indes, est un grand navigateur portugais, traditionnellement considéré comme le premier Européen à arriver aux Indes par voie maritime en contournant le cap de Bonne-Espérance, en 1498.
Le sujet de l’opéra initialement situé en Afrique a été infléchi par la découverte par Meyerbeer du poème épique Les Lusiades de Luís de Camões (1556), une œuvre destinée à raconter et à glorifier la naissance et le destin de la nation et de l’Empire portugais. L’action centrale de l’œuvre est la découverte de la route maritime des Indes par Vasco de Gama.
Contrairement aux autres Grand Opéras, l’intrigue n’est pas centrée autour d’une problématique politique. On y trouve toutefois une dénonciation de l’esclavage, dans la bouche de Nelusko, mais aussi, et surtout, comme tous les opéras de Meyerbeer, de tous les fanatismes religieux, des deux côtés, qu’il s’agisse de Brahma ou de l’Inquisition. Les deux peuples sont mis au même niveau. Les Portugais sont des esclavagistes, les Indous des égorgeurs.
L’acte III, sur le bateau, opère le passage d’un monde à l’autre, et conduit à une inversion des situations : les maîtres deviennent des esclaves.
Selika est quant à elle une figure qui s’élève au sublime par la grâce de son sacrifice.
L’œuvre est également marquée par une opposition entre attirance pour l’exotisme (Selika), et nostalgie du pays natal (Inès), symbolisée par une opposition des musiques (La mélodies du Tage d’Inès, les mélodies exotiques pour Selika).
Deux figures de l’étranger sont présentées : Nelusko représente l’Inassimilable, l’altérité absolue, mais Sélika est prête par contre à guider Vasco.
Ce « chant du cygne de Meyerbeer » est finalement un opéra intimiste et pessimiste, marqué par des personnages au fort caractère, (sauf Vasco qui est velléitaire), et empreint d’une grande poésie un peu morbide. Ici encore, l’Inde est un pays à la fois dangereux et fascinant, comme ces fleurs mortelles de mancenillier.
Inès, fille du Grand-Amiral Don Diego, est forcée d'épouser Don Pedro malgré son amour pour Vasco de Gama. Celui-ci, longtemps porté disparu, réapparaît soudain au Grand Conseil et fait part de ses expéditions, desquelles il ramène Sélika et Nélusko. Se voyant refusés les moyens financiers pour un nouveau voyage, Vasco de Gama insulte le Grand Inquisiteur qui l'excommunie et le jette en prison.
Selika, en prison avec Vasco, chante son amour pour lui.
Inès, accablée, accepte d'épouser Don Pedro à condition que Vasco soit relâché. Don Pedro décide alors de partir explorer ces nouvelles terres avec l'aide de Nélusko, lequel projette secrètement de conduire l'expédition à sa perte. Prise dans une tempête, la flotte périt. Seuls en réchappent Inès, Vasco, Nélusko et Sélinka, qui s'avère être la reine de ces contrées lointaines.
Vasco est émerveillé devant ce qu'il découvre et dont il prend virtuellement possession pour son pays. Voici l'air le plus célèbre de cet opéra :
Amoureuse de Vasco par ailleurs, elle le sauve, une fois que la troupe est arrivée à terre, d'une condamnation à mort frappant tout étranger foulant du pied le rivage. Mais Vasco court rejoindre Inès dont la fin est proche. Touchée par cette démonstration d'amour véritable, Sélinka relâche les deux amants et leur permet de rejoindre le Portugal...
Lakmé, Delibes (1883)
L’opéra a été créé le 14 avril 1883 à l’Opéra-Comique avec un immense succès.
Le livret de Lakmé a été rédigé par Edmond Gondinet et Philippe Gille. Ils ont eu l’idée d’adapter l’ouvrage de Pierre Loti « Rarahu ou le mariage de Loti » qui se déroule à Tahiti et où il y oppose les comportements des Occidentaux matérialistes toujours guidés par leurs intérêts, et la figure de la jeune fille proche de la nature et dont les sentiments sont parfaitement purs. (NB : Madame Butterfly de Puccini, est également inspiré d’une œuvre de P. Loti). L’héroïne Rarahu est également une chanteuse : « Elle chantait toujours, souvent sous l’influence d’une exaltation religieuse ou passionnée, sa voix vibrait comme un son de cristal dans le silence du temple ».
Même si l’histoire ne se situe pas en Inde, Delibes, lisant trois fois l'œuvre au cours d'un voyage à Vienne, imagine « des danses étranges au clair de lune, des sonneries de fifres, des rêveries et d'amoureuses cantilènes » et envoie alors une dépêche à Gille pour l'informer que « l'idée d'une idylle dans un pays lointain le transportait et qu'il ne voulait plus faire autre chose ».
Mais les librettistes empruntent aussi à des textes de Theodore Pavie, orientaliste élève d’un spécialiste de sanscrit au Collège de France. Pavie a visité l’Inde et a laissé quelques traductions de la littérature sanscrite, notamment des Fragments du Mahabharata.
Il écrit en outre trois textes pour un large public : Les Babouches du Brahmane, Sougandhie et Padmavati, Récit de la Côté de Coromandel, (dans son ouvrage. Scènes et récits des pays d’Outre-Mer) témoignant d’une idéalisation romantique de l’Inde dans une perspective orientaliste, avec une sorte de nostalgie d’une Inde précoloniale.
Ils y ont trouvé les noms des personnages : Nilakantha, Brahmane, le décors de l’acte I (guirlandes de fleurs, statuette de Ganeca…), l’idée de la fleur mortelle, de l’Occidental qui tombe amoureux de la jeune fille, mais qui est marié… etc.
Lakmé se passe en Inde à l'époque de la colonisation britannique. Après deux siècles de rivalités entre Anglais et Français et une guerre, les Britanniques l'ont emporté et la Reine Victoria est couronnée Impératrice des Indes (1876), ce qui mène également à de nombreuses révoltes populaires du fait des divergences de croyances.
Cependant, si les librettistes tentent de retranscrire ce climat de tension entre populations hindoues et colons britanniques, leur démarche témoigne surtout d'un goût pour l'orientalisme et ne constitue vraisemblablement pas une forme de dénonciation politique. L’œuvre est surtout basée sur le contraste entre Orient et Occident, dénigrant aussi un peu les Anglais au passage, dans une sorte d’anticolonialisme de circonstance.
On y présente une Inde idyllique et paradisiaque à la nature luxuriante, profondément religieuse et mystérieuse, mais aussi dangereuse (les fleurs empoisonnées, le Brahmane fanatique, mais luttant pour son pays...).
Les librettistes opposent également deux types de femmes : l’Occidentale (anglaise en l’occurrence) frivole et matérialiste et l’Indienne plus pure, authentique et profonde, également fascinante, poétique et sensuelle (air du bijou).
Une tentative de rapprochement des deux mondes s’opère par le truchement de Gérald et du pouvoir de l’amour censé un instant transcender les différences culturelles. Mais à cette vision romantique d’une unité possible entre Orient et Occident se heurte à la réalité de la séparation des mondes Comme dans L’Africaine, c’est l’attirance, la nostalgie de Gérald pour son pays et sa culture natale (ici symbolisée musicalement par une fanfare militaire) qui conduira à la rupture entre les amants, et au suicide de l’héroïne par une fleur empoisonnée.
Delibes y témoigne d’une certaine connaissance basique des traditions musicales indiennes. Il recourt à différents procédés mélodiques, harmoniques et rythmiques, jouant sur le timbre des instruments. Il fait un recours fréquent à la gamme dite « orientale », largement utilisée par Liszt, Saint-Saëns et Meyerbeer. C’est celle de la vocalise qui ouvre l’air des clochettes.
Il utilise aussi des instruments spécifiques pour évoquer l’Inde et leur confie un rôle caractéristique : cymbales indiennes, flûte et hautbois (cf : airs de danses des bayadères.) A la création, des figurants tenaient sans les jouer des copies d’instruments indiens.
Lakmé, fille de Nilakantha, un brahmane, chante une prière à la blanche Dourga accompagnée par une harpe et par les voix des Hindous dans le temple.
Lakmé et sa compagne s'apprêtent à aller cueillir des fleurs dans la forêt pour en orner le temple (duo des fleurs : « Viens Malika... Sous le dôme épais ».)
Deux officiers britanniques, Gerald et Frederic, accompagnés par des Anglaises, pénètrent dans l'enceinte sacrée. Plus sensible à la beauté du lieu que ses compagnons, Gerald s'attarde pour prendre le dessin d'un bracelet oublié sur l'autel et, seul, se plaît à imaginer celle qui devrait le porter (« Prendre le dessin d'un bijou... Fantaisie aux divins mensonges »).
Lakmé revient et Gerald se cache dans les buissons environnant le temple. Dans un air triste et doux, Lakmé exprime les aspirations confuses de son cœur naïf et pur. Gerald se montre conquis par la beauté de la jeune Hindoue. Effrayée, Lakmé le supplie de fuir, mais ne peut s'empêcher bientôt d'éprouver pour lui un sentiment passionné. Suit un duo basé sur l'utopie d’une union des civilisations.
Nilakantha a compris que le temple a été souillé par un de ces étrangers qu'il hait. Afin de retrouver celui qu'il a voué à sa vengeance, il parcourt le village voisin du temple, déguisé en mendiant et suivi de sa fille, grâce à laquelle, pense-t-il, l'intrus se démasquera. Nilakantha force Lakmé à chanter la légende de la fille du paria qui sauva la vie de Vishnou.
Le chant de Lakmé est à la fois religieux et séducteur (on retrouve cela dans Les Pêcheurs de Perles, Le Roi de Lahore…) Les grandes capacités techniques de la créatrice du rôle de Lakmé, Marie Van Zandt, ont permis l'écriture de l'air le plus virtuose de la partition. Delibes compose ainsi un air dit « à roulades ».
Gerald, reconnaissant Lakmé, se trahit. Nilakantha le poignarde et s'enfuit. Lakmé décide de le faire transporter dans une cabane dans la forêt, où elle pourra prendre soin de celui qu'elle aime. Gerald, convalescent dans une cabane dans la forêt, lui chante son amour.
Mais une musique militaire anglaise résonne au loin, rappelant à Gerald qu'il devra retrouver finalement sa patrie. Comprenant que Gerald, désormais rétabli, regagnera bientôt les siens, Lakmé s'empoisonne avec la datura. Après avoir fait boire au jeune homme une eau magique et meurt dans ses bras (Finale « Tu m'as donné le plus doux rêve »).
Gandhi – Satyagraha de Philip Glass (1980)
Pour finir, et pour information, évoquons le Gandhi – Satyagraha de Philip Glass. Dans le cadre de sa trilogie (Einstein on the Beach, Satyagraha et Akhnaten) portraits de personnages qui aspiraient à changer le monde à travers le pouvoir des idées.
Satyagraha est un grand opéra choral basé sur la vie de Gandhi. Le texte, tiré de la Bhagavad Gita, est chanté dans la langue sanskrite originale.
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Julia Le Brun
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