L'Opéra et la Bible
"Mon coeur s'ouvre à ta voix". Cet air de Dalila est un des plus célèbres du répertoire lyrique, sans parler du "Va pensiero" du Nabucco de Verdi qui est presque devenu le second hymne national italien. Des malheurs de Samson à l'exil des Juifs à Babylone, la Bible semble offrir une source inépuisable de sujets pour des librettistes et compositeurs d'opéra en quête d'histoires fortes, dramatiques et tumultueuses... Et pourtant, les opéras conçus à partir de sujets bibliques ne sont pas si nombreux, pour la raison très simple qu'il a longtemps été interdit de mettre en scène des histoires issues des textes sacrés, car l'opéra a été dès sa naissance considéré comme sulfureux par les autorités ecclésiastiques.
Voici tout de même une présentation et une liste (non exhaustive) des principales oeuvres lyriques inspirées (de près ou parfois de loin) de l'Ancien et du Nouveau Testaments.
La naissance de l’opéra : d’une dimension spirituelle à une dimension dramatique
L’histoire de l’opéra est liée à la religion : les premiers « opéras » (Mystères) étaient religieux, tirés des textes sacrés. Il s’agissait de mettre en scène les Evangiles pour faire passer de manière attrayante un message religieux et spirituel.
Les formes musicales ayant mené à l’opéra :
- 900-1200 : Pantomimes avec accompagnement choral, racontant l’histoire de la Résurrection.
- Les Drames liturgiques
On a conservé plus de 200 drames liturgiques : créations de l’église, payés par l’église, ce sont des scènes illustrées, jouées, chantées et accompagnées par les clercs dans l’église pour célébrer les jours saints.
- Les Mystères (1300-1500)
Ils sont nés du drame liturgique mais étaient payés par la ville avec des acteurs et chanteurs professionnels. Les décors et effets magiques y étaient très importants. Certain pouvaient durer plusieurs semaines (Mystères des Actes des Apôtres à Bourges en 1536, 40 jours). La version italienne a mené à l’oratorio, qui eut une influence sur l’opéra du 17ème siècle.
L’opéra est né au début du XVIIème siècle d’un intérêt nouveau pour l’Antiquité.
Le livret de L’Orfeo de Monteverdi (1607) témoigne encore d’une intention spirituelle dans un souci de réconcilier les religions anciennes et le catholicisme en les intégrant dans un ensemble de préfigurations du christianisme (Orphisme). L’académie platonicienne de Florence développe en effet à l’époque une croyance en la Prisca Theologia, théorie selon laquelle l’humanité devrait son patrimoine religieux aux figures de l’Ancien Testament mais aussi à des figures païennes telles que Hermès Trismégiste, Orphée, Pythagore et Platon.
On assistera ensuite à une séparation entre les œuvres profanes (opéra) relevant du divertissement et les œuvres religieuses (cantates, oratorios, passions) se donnant pour but de renforcer la spiritualité, d’aider au recueillement et d’élever l’âme.
Pour certaines œuvres, la frontière entre oratorio et opéra est un peu floue (ex : Samson et Dalila de Saint-Saëns, commence comme un oratorio).
La religion et l’opéra entretiennent toutefois des liens privilégiés :
- Les textes religieux sont utilisés comme sujets d’opéra
L’Ancien Testament :
Moïse de Rossini, Moïse et Aaron deSchönberg
Samson et Dalila (Samson et Dalila), Nabucco (Verdi)…
Les Evangiles :
Hérodiade (Massenet)
Salomé (R.Strauss)
Hérodiade
Les histoires des Saints et Martyrs :
Polyeucte (Gounod), Thaïs (Massenet), Sainte Elisabeth (Tannhaüser, Wagner)
Et l’opéra conserve parfois une dimension spirituelle :
Par-delà la dimension ludique de l’opéra, certains compositeurs tentent de faire passer un message religion, spirituel, philosophique :
- Parsifal : le "Festival scénique sacré" que certain appellent "l’opéra- messe" où Wagner crée sa religion personnelle, mélange de messe / bouddhisme/ philosophie de Schopenhauer…
Extrait : final
- La légende de la ville invisible de Kitège (le « Parsifal » russe) de Nikolai Rimsky-Korsakov.
- La Flûte Enchantée de Mozart et la spiritualité maçonnique.
- Saint-François d’Assise, Olivier Messiaen
Mais surtout, la religion dans sa dimension sociale ou intime est en permanence utilisée par les librettistes comme ressort dramatique : confrontation entre l’individu et de la communauté, dont la cohésion est assurée par la religion, règles religieuses comme obstacle aux relations amoureuse etc.
Mais la religion peut aussi offrir aide et réconfort aux personnages confrontés à des situations inextricables. Sans oublier que la prière est une occasion idéale pour la composition de morceaux musicaux exceptionnels…
Le succès de l’oratorio à l’époque baroque
L’oratorio est un œuvre lyrique dramatique sans mise en scène ni costumes ni décors dont le sujet est souvent religieux, mais pas forcément.
Exemples :
- Heinrich Schütz : Les Sept Paroles du Christ en Croix, 1645
- Bach : Passions, Oratorio de Noël
- Haendel : Le Messie, Samson…
- Haydn : Les Saisons, La Création
- Ludwig : Le Christ au Mont des Oliviers (1803)
- Felix Mendelssohn (Paulus 1836, Elias 1846)
- Hector Berlioz : L’Enfance du Christ (1854)
- Igor Stravinksy (Oedipus Rex, 1927)
- Arthur Onegger (Jeanne d’Arc au Bûcher, 1935)
Ex : Alleluia du Messie de Haendel
A l’origine de l’oratorio, on trouve l’ordre religieux des Oratoriens né au XVIème siècle. A l’époque, une composition d’opéras ne pouvant pas tirer d’argument de son œuvre d’un sujet sacré, le but des créateurs de l’oratorio est de relever le défi de cette impossibilité en créant une forme spécifique qui puisse aborder ce type de sujet tout en présentant le même potentiel de séduction que l’opéra naissant.
Le recitar cantando de l’opéra naissant est utilisé pour servir un sujet sacré et on imagine des dialogues entre des personnages bibliques pour aboutir à une « musique religieuse mais non liturgique, musique dramatique mais non théâtrale, »
La premièrereprésentation d’un oratorio a lieu en 1600 à Rome, sous le nom de « dramma per musica », également utilisé pour l’opéra et dans les Années 1640, l’oratorio est institué.
Le genre reste tributaire de cette relation pue tranchée avec la musique profane. Il profite ensuite du développement de l’opera seria, avec l’apparition de la distinction entre arias et récitatifs : Alessandro Scarlatti, puis Vivaldi et Haendel. Haendel utilise les mêmes airs dans un opéra profane ou dans oratorio à sujet sacré.
L’oratorio connaîtra un certain succès en Allemagne, avec Heinrich Schütz, et surtout les célèbres Passions de J.S. Bach et son oratorio de Nöel.
Le XVIIIème siècle est l’âge d’or de l’oratorio :
J.S. Bach : Passion selon Saint-Matthieu.(1727) à Leipzig
3h, 2 orchestres, 2 chœurs 2 orgues. C’est une sorte d’opéra sacré.
Bach est devenu Kantor à Leipzig.
1724 : Passion selon Saint-Jean (Le jour du Vendredi Saint)
Depuis les premiers temps de l’Eglise, on commémore la mort du Christ et on la représente par souci de mémoire et de pédagogie. Ces deux oratorios ont particulièrement marqué la culture occidentale. Leurs livrets contiennent des textes bibliques mais aussi chorals et poèmes. Bach donne au récit une ampleur inégalée jusque-là et lui donne une dimension visuelle : Cène, jardin des Oliviers, Prétoire de Pilate, devant le Sanhédrin, puis suivant le Chemin de Croix jusqu’au Golgotha…
Ex : Final de la Passion selon Saint-Matthieu :
Au XIXème siècle, les compositeurs commencent aussi à s’autoriser l’écriture d’opéras sur des sujets sacrés : Wagner avait prévu un opéra sur Jésus, et présente Parsifal comme une œuvre sacrée.
Samson et Dalila (Saint-Saëns) et Salomé (R. Strauss) furent officiellement présentés en Angleterre comme des oratorios jusqu’au début du XXème siècle.
Plusieurs compositeurs modernes et contemporains se sont égalememnt intéressés à l’oratorio.
Le baroque français
Il s'agit d'une tragédie biblique en un prologue et cinq actes du compositeur français Marc-Antoine Charpentier. Le livret s'inspire du récit de l'amitié de David et Jonathan que font les livres de Samuel dans l'Ancien Testament. L'opéra revêt la forme de la tragédie lyrique typique de France, mais on l'a aussi qualifié de « tragédie biblique » en raison du sujet. La première eut lieu au Collège Louis-le-Grand de Paris le 28 février 16881, en même temps que la tragédie latine Saul du père Étienne Chamillard. Les actes de l'opéra et ceux de la pièce de théâtre alternaient, les premiers se concentrant sur les conflits psychologiques des personnages et les seconds exposant toute l'action. L'œuvre s'éloigne du modèle lullyste en vogue à l’époque par l'originalité de sa conception et de son langage : absence presque totale de récitatifs, pas de grands effets de machines, concentration de l'intérêt dramatique autour des personnages (importance des monologues) et de leur psychologie particulièrement mise en valeur par l'expressivité et la finesse de la composition musicale »
L'œuvre de Charpentier eut tant de succès qu'elle fut reprise dans d'autres collèges jésuites en 1706, en 1715 et en 1741.
Final :
Jephté – Tragédie biblique de Michel Pignolet de Montéclair - 1732
Ce sera premier opéra sur un sujet biblique à apparaître sur une scène publique, à l’Académie Royale de Musique. Il a d’ailleurs été interdit pendant un temps par le cardinal de Noailles.
Giacomo Meyerbeer reprendra le sujet au début du XIXème siècle dans son opéra Jephtas Gelübde (Le Vœu de Jephté) (1812), une œuvre de jeunesse qui ne connaîtra pas le succès.
Le début du XIXème siècle voit un succès nouveau des thèmes bibliques dans l’opéra français
Cette mode aurait été inspirée par la représentation de La Création de Haydn à l’Opéra de Paris en 1800.
- Friedrich Kalbrenner présente à Paris des oratorios mis en scène : Saul (1803), La Prise de Jéricho.
- La mort d’Adam et son apothéose, opéra biblique (1809), J.F.Lesueur.
Napoléon n’était pas trop favorable à l’adaptation sur scène de sujets religieux. Il avait peur que cela ne menace son Concordat et l’accord qu’il avait réussi à mettre en place avec l’Eglise. Il n’aurait autorisé la représentation qu’en raison des fortes sommes déjà engagées pour les répétitions, mais aurait demandé à ce que désormais, aucun opéra ne soit monté dans son autorisation.
L’opéra connut 16 représentations avant de disparaître du répertoire.
- La mort d'Abel, Rodolphe Kreutzer, 1810, Académie royale de musique.
Berlioz dit avoir été très impressionné par cette œuvre lors de sa reprise en 1823.
Extrait :
Joseph, E.N. Méhul, 1807
Basé sur l’histoire de Joseph et ses frères, il suit la structure de l’opéra-comique française, c’est-à-dire un « drame en trois actes mêlé de chant. »
Il exploite la vogue des thèmes religieux et surtout la fascination des Français pour l’Egypte suite à l’expédition de Napoléon en 1798.
Il connait surtout le succès en Italie et en Allemagne mais où il est alors plus souvent représenté en Oratorio. Méhul l’écrit dans un style austère, illustrant musicale selon de « la « pure et noble foi des Hébreux ».
Extrait : Air de Joseph « Vainement Pharaon ».
Le début du XIXème siècle en Italie – Les opéras de Carême
Ciro in Babilonia ossia La caduta di Baldassare – Rossini – 1812
C’est une « action sacrée » en deux actes, représentée à Ferrare pendant le Carême. L’usage exigeait en effet que les salles d’opéra ferment leurs portes pendant cette période, ou bien représentent des œuvres sur des thèmes bibliques.
Cyrus à Babylone est la dernière composition de Rossini à se rattacher au genre de l'opera seria qui a connu son apogée au siècle précédent : longs recitativi secchi, accompagnés seulement au clavecin, airs solennels de solistes. En 1812, Rossini en est encore à ses débuts.
L’intrigue s'inspire de l'épisode biblique du festin de Balthazar, au cours duquel le roi voit une main mystérieuse tracer trois mots sur le mur. Le prophète Daniel expliquera ceux-ci : Balthazar, coupable d'avoir adoré des idoles païennes et fait montre de cruauté et d'injustice a été condamné par Jéhovah, le seul vrai Dieu ; il mourra le soir même et son empire passera aux mains de Cyrus.
Sur cette trame, le librettiste a imaginé que Cyrus, se faisant passer pour son propre ambassadeur, est venu à Babylone, dans l'espoir de reprendre sa femme et son fils que Balthazar retient captifs. Démasqué et condamné à mort avec les siens, il sera délivré par la chute et la mort de l'impie.
Extrait :
Mosè in Egitto – Rossini - 1818. Naples.
Moise et Pharaon, ou le Passage de la Mer Rouge - 1827 – Paris (avec musique additionnelle et ballet.
Cet opéra de Rossini qui prend vraiment des aspects d’oratorio a également été représenté pour la première fois pendant le Carême. Par la richesse de ses chœurs, Mosè a eu une influence sur les successeurs, et notamment le Nabucco de Verdi.
Bien entendu, on ajoute pour la scène une histoire d’amour : Le fils de Pharaon tente d’empêcher le départ des Hébreux car il aime l’une d’entre eux, Anaïs.
La version de 1818 commence avec la prière de Moise qui dissipe les ténèbres, et finit avec la partition de la mer rouge et la noyade de l’armée de Pharaon (un effet scénique qui fit un bide à la première).
1819 : ajout de la prière de Moise « Dal tuo stellato soglio », qui devient un des morceaux d’opéras les plus célèbres de l’époque. (Paganini écrira sur ce thème des variations pour violon et piano.)
La version en français, spécifiquement révisée par rossini pour l’Opéra de Paris, est créée en 1827, et connaît un grand succès (100 représentations entre 1827 et 1838).
Ex : Prière en Français Acte IV « Des Cieux où tu résides »
Il diluvio universale – Donizetti – 1830
Cette “azione tragico-sacra” est créée à Naples en mars 1830.
Il diluvio universale évoque bien sûr l'histoire de Noé, de la construction de l'Arche et du Déluge. Mais pour y ajouter une dimension plus dramatique, l'opéra raconte avant tout le destin tragique de Sela, femme de Cadmo, satrape de la cité babylonienne de Senáár. Sela est la concubine préférée de Cadmo et la seule qu'il ait élevée au rang d'épouse. Mais elle vénère le Dieu de Noè que Cadmo persécute et se trouve écartelée entre l'amour qu'elle a pour son mari et sa foi religieuse.
Ce drame sacré fait figure de singularité dans l'œuvre de Donizetti. Composé pour le temps de Carême de 1830, l'idée en revient au compositeur lui-même : sans doute avait-il en vue le Mosè in Egitto de Rossini, qui avait montré l'exemple de l'union entre un sujet biblique et un ouvrage à grand spectacle appelant d'importants effets spéciaux (le passage de la mer Rouge chez Rossini, le Déluge chez Donizetti). C'était l'occasion de rivaliser avec les grands effets de l'opéra français et de mettre à profit l'habileté des machinistes du San Carlo de Naples qui – en dépit de ce que donnent à penser les premières calamiteuses sur ce plan-là tant de Mosè in Egitto que d’Il diluvio universale – était particulièrement réputée.
La réception de l'opéra le soir de la première fut plus que mitigée. La scène du Déluge au dernier acte, comme celle du passage de la mer Rouge lors de la création de Mosè in Egitto en 1818, suscita l'hilarité générale et fut copieusement sifflée en raison de l'absurdité des effets spéciaux.
Nabucco – 1842 – G. Verdi
Cet ouvrage créé à la Scala est le premier grand succès du jeune Verdi.
L’opéra plait pour les aspects métaphoriques de son sujet : on compare la captivité des hébreux à Babylone avec la situation de Milan sous contrôle autrichien. Les Babyloniens sont assimilés par les Milanais aux Autrichiens.
Le ton et le climat qui frappent par leur nouveauté et c’est une œuvre qui satisfait les instincts du public : action, rebondissements, péripéties publiques et privées, musique fleuve qui ne laisse pas reprendre haleine. Verdi a su trouver une fibre populaire en associant chœurs splendides, puissance et souffle épique et pages intimes et sobriété, avec notamment un magnifique rôle de baryton.
La référence obligée de ce type l’opéra à l’époque est bien entendu le Moïse de Rossini. Verdi reprend le même principe de traitement des masses chorales tout en développant la caractérisation des chœurs, auxquels il confère des mélodies, tonalités, couleurs et rythmes différents selon leurs catégories (soldats, prêtres, gens du peuple…)
Verdi fait du chœur des Hébreux un personnage à part entière, en tant que collectivité et « Va pensiero » est presque le second hymne national italien.
L’histoire est tirée de la Bille, même si le librettiste, Solera, prend beaucoup de libertés.
En 605 av. JC, Nabuchodonosor, roi conquérant et bâtisseur défait les Egyptiens, impose sa domination sur la Syrie et la Palestine puis fait tomber Jérusalem et déporte les Juifs.
Extrait : Va pensiero:
Extrait "Dieu de Judas" Leo Nucci
Et par Domingo :
Réapparition des thèmes bibliques à la fin du XIXème siècle
Les « opéras sacrés » d’Anton Rubinstein
Le compositeur russe Anton Rubinstein utilise le terme “opéra sacré” à propos de ses oeuvres mises en scène, utilisant des chœurs polyphoniques et un style sobre et édifiant reposant sur la déclamation.
Il composera plusieurs œuvres de ce type : Sulamith (1883), Moses (1894), Christus (1895), Der Thurm zu Babel (1870) et un Cain inachevé.
- Der Thurm zu Babel – 1870 (Königsberg). Opéra en un acte. Représentation bien reçue du public (et en présence de Brahms).
La destruction de la tour y est représentée musicalement par des accords discordants avant que le chœur se mette à chanter en trois langues différentes.
- Christus – 1894
Le compositeur considérait cet opéra comme sa plus belle œuvre. Il la dirige à Stuttgart en juin 1894, ce sera sa dernière apparition sur scène en tant que chef.
Les applaudissements entre les actes et à la fin étaient interdits.
En voici l'intégralité en audio :
- Die Maccabäer - 1875 - Opéra
C’est le plus célèbre des opéras de Rubinstein. A Berlin, on comparait son succès à celui du Grand Opéra l’Africaine de Meyerbeer. Il fut régulièrement représenté sur les scènes allemandes et russes du vivant de Rubinstein.
Il fut comme les autres, rarement représenté ensuite au XXème siècle à l’exception d’une représentation en hébreu à Jérusalem en 1925.
La Révolte des Maccabées qui se déroule de 175 à 140 av. J.-C. est à la fois une révolte des Juifs de Judée contre les Séleucides et un conflit interne au peuple juif opposant les traditionalistes aux Juifs hellénisants. Elle tire son nom de la famille des Maccabées, dont Mattathias et ses fils Judas et Simon. Cet épisode est raconté dans les deux premiers Livres des Maccabées et conduit à la fondation de la dynastie des Hasmonéens.
Die Königin von Saba - Opéra de Karl Goldmark, 1875, Vienne.
Le plus célèbre opéra de Karl Goldmark met en scène un trio amoureux imaginaire entre la Reine, Assad, ambassadeur à la cour de Salomon, et Sulamith, fiancée de Assad, dans le contexte de la visite de la reine de Saba à la cour de Salomon.
L’air d’Assad "Magische Töne" est resté célèbre :
La Reine de Saba (1862) – Grand Opéra de Charles Gounod
Le Grand Opéra de Gounod, inspiré du Voyage en Orient, de Gérard de Nerval, met également en scène un trio amoureux, mais cette fois-ci entre Salomé, la Reine et un personnage tiré de la tradition maçonnique : Hiram, architecte du Temple de Salomon.
L’air d’Hiram « Inspirez-moi, race divine » est de temps interprété par les ténors.
Voir aussi l'article consacré : Rolando Villazon, la Reine de Saba et l'ésotérisme franc-maçon
Samson et Dalila, Camille Saint-Saëns, 1877
A l’origine, l’œuvre devait être un oratorio à la manière d’Haendel, d’après le livret de Voltaire (un projet initié avec Rameau). Puis, la pensée du compositeur évolue et il décide avec le jeune ami à qui il a demandé un livret, Fernand Lemaire, de plutôt faire un opéra, avec mise en scène. L’œuvre gagne en humanité, mais l’importante et la beauté sculpturale des chœurs témoignent encore de cette origine religieuse.
Il commence donc par écrire le deuxième acte, le plus « lyrique » avec notamment le grand duo d’amour mais devant l’hostilité généralisée de son entourage, il renonce à son projet.
Il reprend toutefois en 1873 et compose l’esquisse de l’acte III. Le 1er acte est exécuté avec orchestre en 1875 mais reçoit un accueil très froid.
Il demande un jour à son ami Franz Liszt, alors directeur musical de l’opéra de Weimar, s’il ne voudrait pas à son tour en écouter un morceau et éventuellement l’aider à faire représenter l’opéra en Allemagne. « Je n’ai pas besoin d’entendre ce que vous avez fait, finissez votre ouvrage et je le ferai représenter » répond-il.
La première a lieu à Weimar le 2 décembre 1877, en allemand, avec un immense succès. « C’est le drame musical le plus important qui ait vu le jour ces dernières années ». dira le chef d’orchestre Hans von Bülow.
Malgré tout, Paris continue à n’en pas vouloir. Il faudra attendre que de nombreuses villes de province montent l’œuvre avec succès pour que l’Opéra de Paris se décide à le faire en 1892. C’est un triomphe.
L’œuvre mit énormément de temps à être acceptée en France car elle sentait le souffre, d’une part à cause de son sujet biblique mais aussi du fait de l’importance musicale de son orchestre qui beaucoup pour sa mauvaise réputation : beaucoup de gens en France craignaient comme la peste les opéras de ceux qui étaient considérés comme des « symphonistes ». « Pianiste, symphoniste, organiste, compositeur d ‘œuvres religieuses, j’étais considéré comme impossible au théâtre. » dit-il.
L’intrigue est tirée du Livre des Juges, XII, reprenant avec des modifications l’histoire de Samson et de Dalila.
Dans l’opéra, le livret ajoute une révolte de l’acte I, qui présente un intérêt dramatique et illustre les aspirations à la liberté du peuple hébreux que leur héros leur permet enfin de réaliser. La révolte intervient alors que Samson, élu de Dieu, est en train de sacrifier temporairement son amour pour Dalila à sa mission divine. Cela crée une situation psychologique complexe. A cela s’ajoute un épisode où un vieil Hébreux maudit publiquement la femme qui n’est là que pour pervertir l’homme, et engage Samson à la quitter, un Samson qui d’ailleurs se sent coupable et a un sentiment très vif de sa faute.
Ce sentiment de culpabilité vis à vis de la sexualité n’existe pas dans la Bible. Ses mœurs sont libres. Il vit en concubinage avec Dalila et personne ne lui en fait grief. C’est un effet de la vision déformante du XIXème de présenter l’amour de Samson pour Dalila comme coupable.
Saint-Saëns est un rationaliste peu attiré par la religion mais « il y a dans les religions un attrait et un charme qui ne se retrouvent pas ailleurs, une source admirable d’art et de littérature ». Il le voit comme un « opéra légendaire », « puisant son inspiration dans le mythe », du même type que Tristan und Isolde, Les Troyens, Tannhäuser, la Tétralogie… L’orchestre est en effet important, de la taille d’un orchestre wagnérien, mais utilisé avec modération. Il est très bien écrit, sonne magnifiquement, expressif, jamais lourd, il sait être translucide quand il le faut, les coloris sont fins et délicats.
Duo de l'acte II
L'intégralité de l'opéra est disponible ici :
Hérodiade – Massenet – 1881 - Bruxelles
Le livret se base sur la nouvelle de Flaubert « Hérodias ».
L’Opéra de Paris refusa à l’époque de créer l’œuvre, le directeur trouvant le livret trop mauvais… et l’histoire biblique très fortement revisitée.
Plusieurs extraits sont restés célèbres :
L’air de Jean « Adieu donc, vains objets »
L’air de Salomé « il est doux, il est bon »
L’air d’Hérodes « Vision fugitive ».
Notons également pour information la composition de :
- Noé – JF Halévy (1885)
Ce dernier opéra inachevé fut terminé par le genre d’Halévy, Georges Bizet.
- L'enfant prodigue (Auber) – 1850 – Académie nationale de Musique.
Le XXème siècle
Sual og David – Carl Nielsen – 1902
Il s’agit d’un des principaux opéras danois, même si après un accueil enthousiaste, il ne connut jamais le succès. Difficile à mettre en scène car se rapprochant plutôt de l’oratorio, l’oeuvre contient notamment de magnifiques scènes chorales.
Extrait :
Salomé – Richard Strauss - 1905
« Votre œuvre est un météore, dont la puissance et l’éclat s’imposent même à ceux qui ne l’aiment pas. Elle a subjugué le public. J’ai vu un musicien français qui la haïssait mais qui venait l’entendre pour la troisième ou quatrième fois : il ne pouvait s’en dégager ; il grondait mais il était pris. Je ne crois pas qu’on puisse voir une preuve plus manifeste de votre force. Cette force est, pour moi, la plus grande de l’Europe musicale d’aujourd’hui. » Romain Rolland.
Salomé est le premier chef d’œuvre lyrique de Strauss. Il s’inspire d’une pièce de théâtre écrite en langue française par Oscar Wilde.
La pièce d’Oscar Wilde avait été créée en 1892 à Londres, par Sarah Bernhardt. Mais le sujet fut considéré comme profondément immoral, toute traduction en anglais interdite et la pièce ne s’imposa pas.
L’opéra fut créé à Dresde le 9 décembre 1905, cinq ans après la mort de Wilde. La création suscita des réactions très contrastées. L’Empereur Guillaume II considéra que l’œuvre faisait preuve de complaisance envers le climat délétère de l’époque et déplora l’absence de mélodie. L’opéra de Vienne refusa de représenter l’opéra « pour des raisons religieuses et morales ».
Strauss entra en conflit avec la cantatrice chargée de la création qui refusa de prononcer les paroles « Je suis amoureuse de ton corps, Jochanaan, laisse-moi le toucher »… même si Strauss avait pris garde de supprimer d’autres phrases encore plus explicites.
Cet opéra est le fruit de son époque, la « décadence » qui voit les débuts de l’expressionnisme et de la psychanalyse. (En 1905, parution de « trois essais sur la théorie de la sexualité » de Siegmund Freud.)On commence à s’intéresser aux profondeurs de l’âme humaine et aux comportements déviants, en particulier sexuels.
Aux complications érotiques vont se mêler un exotisme oriental qui libère tous les fantasmes.
Beaucoup d’artistes sont alors séduits par la figure de Salomé : Mallarmé (Hérodiade), Gustave Moreau dont la peinture « Salomé » inspira Richard Strauss. Leurs Salomé sont des mélanges de sexualité débridée et de cruauté sadique, symbole de la transgression de la norme et des interdits.
Mais Strauss propose également une réflexion sur la femme, dont la sexualité est vécue comme menaçante par les hommes. Mais ne changent-ils pas en perversion ce qui n’était au départ qu’un désir pur et légitime ? Salomé est aussi attirée par la pureté de Jean-Baptiste.
L’histoire de Salomé au tournant du siècle diffère de celle de la Bible. Dans les Evangiles, Salomé danse et demande la tête de Jean-Baptiste sur demande de sa mère Hérodiade. Chez Wilde, c’est pour son propre « plaisir » qu’elle l’exige, pour des raisons sexuelles.
La structure en un acte suit très fidèlement le texte d’Oscar Wilde.
L’organisation s’articule symboliquement autour du chiffre trois. (Structuration globale en trois temps, scènes en trois parties, phrases répétées trois fois, motifs musicaux aussi…)
Le système musical découle de Wagner. La structure musicale continue du début à la fin utilise le système du leitmotiv. Mais Strauss a aussi un style personnel. Il a le sens du théâtre : ni longueurs ni récit inutiles, instinct de la voix féminine avec un style vocal très expressif.
L’effectif orchestral est très important : 102 instrumentistes, et sa couleur extrêmement originale. Strauss est avant tout un génie de l’orchestre, et est capable de l’utiliser à la fois en puissance et en finesse. Il cherche à créer des ambiances : nuit tropicale, sensualité moite, ou illustrer l’état psychologique des protagonistes : désir, dégoût… dans un orientalisme très personnel.
Final :
Moses und Aron - Arnold Schoenberg - 1932
Opéra Dodécaphonique en trois actes. Livret du compositeur d’après le Livre de l’Exode.
« Composé entre 1930 et 1932, Moïse et Aaron est le quatrième opéra de Schoenberg. Écrit selon la méthode dodécaphonique inventée par le compositeur, il repose sur un livret de Schoenberg qui reflète ses préoccupations philosophiques : entre Moïse, qui a su comprendre la pensée divine mais ne peut la transmettre, et son frère Aaron, qui maîtrise l’art oratoire mais falsifie l’idée dès qu’il la formule, le conflit est inévitable. S’appuyant essentiellement sur L’Exode et le livre des Nombres, Schoenberg adapte et modifie parfois sensiblement la source biblique pour intensifier l’opposition entre les deux frères, c’est-à-dire entre l’esprit et la matière, l’idée et sa représentation, la pensée et le verbe, nous livrant sa propre réflexion sur les notions centrales d’irreprésentabilité, d’interdiction de faire des images, d’élection du peuple juif. » (C. Merlin)
Extrait : danse du Veau D'or
Hagith, Karol Szymanowski, Varsovie, 1922
Cette œuvre a souvent été comparée à la Salomé de Richard Strauss, musicalement et dramatiquement parlant, avec sujet alliant l’amour et la mort.
Le livret s’inspire (vaguemement) de l’histoire du Roi David, de sa servante Abishag (ici nommé Hagith) et de Salomon. (Premier Livre des Rois).
Extrait:
Et enfin, plus récemment :
Esther - Meyerowitz - 1956
L'oeuvre s'inspire de l'histoire biblique d'Esther, célébrée, dans la tradition juive lors de la fête de Pourim. Epouse juive du roi perse Assuérus, elle intervient auprès de son époux pour empêcher le massacre des Juifs prévu par son ministre Haman.
Esther, Hugo Weisgall, 1993 - New York City Opera
Le dixième opera et dernier opera de Weisgall le consacre comme un des compositeurs Américains majeurs du XXème siècle. La musique post-moderniste est influencée par la Seconde Ecole de Vienne, sans être totalement atonale.
Voici une présentation en anglais :
Abraham The Cave – Steve Reich 1993
Opéra « multimedia » dont le nom se réfère au Caveau des Patriarches. Il est constitué d’interviews d’Israéliens, Américains et Palestiniens donnantt leur point de vue sur l’histoire d’Abraham.
The Last Supper, Birtwistle, 2008 (Berlin)
Présentation en anglais :
Tobias and the Angel "Community opera" 1999 de Jonathan Dove
Création à Londres à l’Eglise du Christ.
Julia Le Brun
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