Figures du voyageur à l'opéra
Le voyageur, sous des aspects variés, est une figure récurrente à l’opéra. Partons ensemble en musique vers de lointaines contrées ! Et vous n'êtes pas au bout de vos surprises, car je vous emmène plus loin que le Taj Mahal !
Mais où allons-nous ?
Voyager, c'est "se déplacer sur une longue distance, hors de son domicile habituel"... Mais sur les scènes lyriques, ce n'est pas seulement d’un pays à un autre (généralement par mer), mais aussi vers des contrées plus originales : le monde des morts, au hasard (en passant toutes les épreuves bien sûr, mais je suis sûre que Caron ou Cerbère ne vous font pas peur) ! On peut aussi se déplacer d'une dimension à une autre. Bien sûr, cela peut impliquer quelques légers problèmes physiologiques. Vous pourriez être amenés à passer de l’état immatériel à l’état matériel par exemple avec toutes les légères complications que cela implique, comme celles que subit la Petite Sirène (la Rusalka de Dvorakà). Dans La Femme sans Ombre de Richard Strauss, Hofmannsthal va jusqu'à proposer une topographie à trois niveaux : le Monde des humains, le Pays des sept Monts de la Lune et le Monde des esprits !
Mais quels sont donc les buts de nos voyageurs lyriques ?
Eh bien, beaucoup d'entre eux sont des touristes de base, ils cherchent à s'amuser, se dépayser, ils sont curieux et attirés par l'inconnu.
D'autres ont un esprit encore plus aventureux, ce sont des explorateurs, des commerçants comme le Sadko de Rimsky-Korsakov, voire des conquérants (ce n'est pas antinomique), comme Vasco de Gama dans L’Africaine de Meyerbeer. Leurs découvertes leur apportent en prime gloire et reconnaissance sociale.
Finalement, des objectifs militaires et économiques donc... comme également dans la Lakmé de Delibes ou dans Madame Butterfly.
Le Enée des Troyens de Berlioz partira lui, chassé de sa Troie en ruine, pour transporter ses "Pénates" vers la nouvelle patrie que les Dieux lui ont désignée : l'Italie. Et c'est aussi dans l'espoir de plaire à Dieu que Heinrich fera dans Tannhaüser, le voyage jusqu'à Rome.
C'est en quête de l'être aimé par contre qu'Isabella (L'Italienne à Alger de Rossini) ou Belmonte (L'Enlèvement au Serail de Mozart) se risqueront sur les mers sillonnées par les barbaresques, tout aussi dangereux que les monstres des Enfers que devra affronter Orphée dans L’Orfeo et Orphée et Eurydice).
Mais ce voyage du chantre d'Apollon est avant tout un voyage initiatique. Il doit lui permettre de gravir un échelon dans la connaissance du monde, et de lui-même. Certains voyages sont finalement plus spirituels que temporels. (comme la suite d'épreuves maçonniques de La Flûte Enchantée).
Cette initiation peut aussi impliquer un déplacement à travers la diversité des mondes, permettant de découvrir sa vraie nature et avoir accès à une meilleure connaissance de soi. (C'est le sens des livrets de La Femme sans Ombre, ou d'Ariane à Naxos de Richard Strauss avec le personnage de Bacchus.)
Mais tout cela n'est pas de tout repos !
Nos héros lyriques seront confrontés à bien des dangers...
Le retour nécessaire vers « chez-soi » : le voyageur est de passage
Car la notion de voyage implique généralement un retour chez soi. Comme l’attrait de la différence et de l’exotisme est favorable à la création de liens amoureux et que le voyageur est intrinsèquement « celui qui passe » cela conduit nécessairement à des drames...
L’origine est constitutive du voyageur.
Le voyageur peut également être en recherche d’un nouveau « chez-soi », mais dans ce cas il est confronté un certain nombre d’obstacles, car il apporte ce qu’il est avec lui. L’origine est constitutive du voyageur : d’où une difficulté à s’intégrer à une nouvelle société, un nouvel environnement.
Sans oublier que la confrontation à l’altérité et aux autres cultures est dangereuse, tant pour le voyageur que pour la société d’accueil qui peut connaître une rupture de son équilibre.
Du voyageur à l’errant
Si le voyageur, pour une raison ou une autre, perd son but et ne peut pas revenir en arrière, il devient un errant. C'est une figure importante dans l’opéra ! On pense aux personnages de Wagner, mais aussi à la malheureuse Rusalka de Dvorak
Prêts pour le départ ? Vous pouvez maintenant mettre le son et régler vos enceintes à plein régime.
Le Voyage de Siegfried sur le Rhin
C’est joyeusement que le Siegfried du Le Crépuscule des Dieux de Wagner s'embarque sur le Rhin en quête de nouvelles aventures et de nouveaux horizons, avec son cheval Grane, cadeau de sa femme ex-walkyrie Brünnhilde et son épée Notung. Ce très bel interlude orchestral illustre ce voyage sur le fleuve. On y retrouve les leitmotivs chers à Wagner : les très aquatiques thèmes du Rhin, des filles du Rhin, de l'Or du Rhin et celui très reconnaissable de Siegfried, au cor.
Certains voyages ne sont pas aussi sereins : on trouve aussi dans l’opéra des illustrations musicales de tempêtes marines : scène arrivée du vaisseau d’Otello (Verdi), ouverture du Hollandais Volant (Wagner), tempête dans L’Africaine (Meyerbeer)…
Voici l'impressionnante ouverture du Hollandais volant, où la furie des éléments n'a d'égale que la tristesse du destin de cet errant immortel.
Le retour d'Otello à Chypre, après son combat contre les Sarrasins, n'est pas très serein. La tempête fait rage, et l'on craint pour le vaisseau du "Duce" Otello. Heureusement, seuls les Sarrasins seront engloutis dans les flots et Otello pourra crier "Vittoria".
Le passage d’un monde à l’autre
Il existe aussi des illustrations sonores du passage de personnages d’un monde à l’autre :
Dans L’Or du Rhin, Wagner illustre la descente chez les Nibelungen, une plongée dans les forges avec crescendo et bruit croissant des enclumes.
C'est une des "Verwandlungsmusik" de Wagner (avec celle de Parsifal)
Dans Parsifal le jeune homme innocent est entraîné par le vénérable Gurnemanz dans le royaume du Graal. Il passe d'une dimension à l'autre sur un chemin où "le temps se fait espace".
- La Femme sans Ombre, Die Frau Ohne Schatten, Richard Strauss (1919) : le passage du monde des esprits à celui des humains donne une impression de chute dans un monde bruyant, violent et inquiétant (travaux, vent…).
- Orphée et Eurydice de Gluck, Orfeo de Monteverdi.
Orphée descend aux enfers pour aller chercher la femme morte Eurydice, un passage d’un monde à l’autre qui a également une vocation initiatique : aura-t-il assez de force de caractère pour ne pas céder à la tentation de se retourner… car il y a des choses au fond des Enfers que les vivants n’ont pas le droit de connaître.
(voir l’article : Orphée à l’opéra)
Symboliquement, le passage d’un monde à l’autre, dans les mythes et légendes, est marqué par la présence d’éléments récurrents :
- L’eau, qui transporte, ou qu’il faut traverser (Mer, Fleuve Styx…)
- La présence d’animaux symboliques et psychopompes et notamment le cygne qui tire la barque de Lohengrin ou que poursuit Parsifal. (A associer à la cigogne qui apporte les enfants !).
La musique surtout, permet d’ouvrir les portes et d’apaiser ceux qui les gardent : ce pouvoir, c'est celui d'Orphée bien sûr, mais aussi du chanteur Sadko (Rimsky-Korsakov) qui est également musicien et charme la fille du Fleuve, Volkhova... sans parler de Tamino qui joue de la flûte en passant les épreuves.
Voici deux des prestations d'Orphée à l'opéra.
Le premier extrait est tiré de L'Orfeo de Monteverdi (un des premiers ouvrages lyriques, 1607 !). Son chant orné, très original, aura le pouvoir... d'endormir le passeur Charon !
Cent cinquante ans plus tard, l'Orphée (et Eurydice) de Gluck aura lui pour mission de calmer les Furies, au son de la harpe.
L’origine est constitutive du voyageur
Le voyageur est toujours marqué par son pays d’origine et tient généralement à sa spécificité et sa différence. En voici un témoignage amusant :
Le Voyage à Reims – Rossini (1825) – Air de Don Profondo
Des voyageurs d'origines diverses sont réunis dans une auberge, en attendant de se rendre au sacre du roi Charles X à Reims. Evidemment, ce séjour est prétexte à flirts divers, mais aussi valorisation de l'identité de chacun : tous les personnages chantent des hymnes de leurs pays, dont le « God Save the King» et emportent dans leurs bagages des objets qui les définissent.
Dans cet air, Don Profondo fait le tour des malles, en en décrivant le contenu, et en prenant au passage, l'accent de leur propriétaire. Hilarant.
Notre voyageur apporte avec lui une partie de la patrie d’origine qui constitue son identité. Cela pourra conduire à des incompréhensions, voire des confrontations dans le pays d’arrivée, des heurts avec la culture locale que les librettistes se font un plaisir d'exploiter.
- Le contraste entre les cultures américaine et japonaise est très souligné par exemple dans Madame Butterfly (1904) de Puccini (1904), notamment d'un point de vue musical. A l'Américain la musique tonale simple, franche, un peu brute de décoffrage même, avec citations de The Star-Spangled Banner (ce qui avait d'ailleurs fait scandale lors de la création new-yorkaise), à la Japonaise les harmonies locales, les petites notes délicates et raffinées.
On connait évidemment l'incompréhension et la catastrophe à laquelle cette confrontation des cultures a abouti.
Dans cet extrait par exemple, Butterfly a appris que son Pinkerton ne reviendrait pas et s'inquiète pour l'avenir de son enfant. Les deux types de musique sont clairement reconnaissables.
La confrontation entre les cultures anglaise et indienne est également au coeur de la Lakmé de Delibes (1883).
Voir à ce sujet l’article : "Visions des Indes à l’opéra"
Prenons par exemple cet air de Gérald "Fantaisie aux divins mensonges". Le jeune soldat anglais vient de trouver dans la jungle des bijoux merveilleux, et fantasme sur l'Indienne inconnue à qui ils doivent appartenir. L'arrivée des Anglais dans le sanctuaire hindou dans lequel est cachée Lakmé déclenchera la catastrophe.
Evidemment, la confrontation entre les cultures chrétienne et musulmane est également largement exploitée dans les "turqueries" : L’Enlèvement au Sérail, (1782, Mozart), L’Italienne à Alger (1813, Rossini).
(voir l’article "l’Orient à l’opéra")
Ici, Blonde, faite prisonnière par les barbaresque, a été donnée en cadeau au gardien du harem, Osmin. Mais les Anglaises sont des femmes libres qui n'obéissent pas volontiers...
Les drames du voyageur toujours « de passage »
Le voyageur est donc toujours attiré malgré lui vers sa patrie d’origine. Cela lui offre la certitude de savoir qui il est. Il est d’ailleurs souvent tiraillé entre l’exotisme et le désir de rentrer chez lui. On voyage surtout en pensant au retour, pour élargir son horizon, de manière à ce que le « chez soi » acquiert une nouvelle saveur, on voit le monde différemment, on a enrichi son regard, on fait ses comparaisons, positives ou négatives. Mais l’existence de ce foyer originel reste essentielle.
C'est bien ce que Pinkerton en instance de se marier avec Butterfly, exprime de manière un peu inconsciente : « Je bois au jour où je trouverai une véritable épouse américaine ».
Le voyageur est souvent confronté à cette contradiction : il ressent un besoin de dépaysement et d’exotisme mais il aspire toujours à rentrer « chez lui », dans le lieu qui constitue son identité.
Il en découle deux choses :
- Soit un nécessaire retour : le voyageur est de passage et devra toujours à terme rentrer chez lui et quitter ceux qu’il a rencontrés.
- Soit le retour n’est pas possible et dans ce cas, le voyageur est dans la nécessité de s’adapter. S'il aspire à faire de sa destination un nouveau « chez-soi » il est confronté au problème de la différence, il doit s’intégrer comme individu et intégrer les codes du nouveau monde (enfin, dans l'idéal n'est-ce pas...).
Le voyageur est celui donc qui passe : il doit atteindre son but et revenir chez lui.
Dans L’Africaine de Meyerbeer (1860), Vasco de Gama, aidé par une autochtone Selika, découvre les Indes. Il cherche à la fois la gloire, avec l'espoir d'obtenir un certain statut social au Portugal.
Mais il est également poussé par la curiosité, l'attrait pour l’exotisme et la nouveauté
Selika tombe amoureuse de lui, il l’abandonne et elle se suicide
Selika (et sa musique orientale) représente l’attirance de l’exotisme : elle fascine Vasco (comme Butterfly fascine Pinkerton) mais il lui préférera finalement sa fiancée européenne Inès. C’est la balade d’Inès « Adieu mon beau rivage » adressée au Tage qui ranime l’amour de Vasco pour elle car elle symbolise le pays natal.
Voici l'air célèbre de Vasco, lorsque, naufragé, il met enfin les pieds dans ce nouveau pays, qui est en fait Ceylan.
Les morts de ces trois femmes, Butterfly, Lakmé, et Selika seront inévitables, et forcément "exotiques". Butterfly se fera hara-kiri, Lakmé abandonnée par son Gerald, se suicide par la datura et Selika s'allongera sous l'ombre du mancenillier, un arbre empoisonné.
Dans Sadko de Rimski-Korsakov, ce navigateur cherche la gloire, la richesse, la découverte de nouvelles contrées féériques, avec l’aide de la très exotique et féérique Volkhova fille du Roi de la Mer, mais au final, il rentre chez lui et retrouve sa femme, tandis que Volkhova se transforme en fleuve reliant a jamais la ville de Novgorod à la mer.
La nostalgie du marin
Récits, aventures, mythes, contes et légendes de la mer : de Vasco de Gama (Meyerbeer) à Billy Budd (Britten), le monde de l’opéra fourmille de navigateurs, corsaires, marins et pêcheurs. Cette mer représente pour eux un mode privilégié d’évasion et de découverte et porte tous leurs espoirs de succès et de fortune. Mais aucun n’oublie aussi que cette vaste étendue sombre et menaçante représente toutes les forces primitives d’une nature sauvage et indomptée, un espace mystérieux où l’on peut facilement s’abîmer, à moins que l’on ne soit condamné à y errer à jamais, comme le Hollandais Volant de Wagner.
Le Pays, Guy Ropartz (1912)
"Un soir, il a quitté le doux pays", air de Tual
Cet ouvrage, bijou inconnu du répertoire français, écrit par un Breton, décrit le drame du marin Tual, déchiré entre son amour pour Kaethe et son attachement envers son pays breton, qui finalement l'emportera. Dans ce chant s'exprime « toute la nostalgie du Breton exilé ».
Les Troyens, H. Berlioz, "Vallon sonore"
Les Troyens, survivants de la guerre, sont en quête d'une nouvelle patrie, et font à Carthage, une longue escale. Un jeune marin troyen anonyme rêve ici de son pays qu’il ne reverra plus, balancé par les flots. Berlioz pensait sans doute à son propre fils Louis qui, marin lui-même, devait finalement mourir loin de sa famille et de son pays.
Le voyage sans retour et la création d’un nouveau chez-soi
Dans Les Troyens, c'est Enée, fils de Vénus et gardien des "Pénates" (les Dieux du foyer) de Troie, qui est chargé par les dieux de guider les rescapés pour fonder "une nouvelle patrie". Mais cela le fait souffrir car, comme Ulysse, il est tenté d’oublier le but ultime, de s’arrêter en chemin et de se fixer dans le pays dont la belle reine de Carthage Didon lui propose la couronne : mais ce n’est pas son destin... et il doit aussi l'abandonner. Ordre des Dieux! Il fallait bien un fondateur à Rome !
L’impossibilité de s’intégrer et l’incommunicabilité entre les mondes :
Une des problématiques principales du romantisme allemand est le constat l’incommunicabilité entre les différents mondes, celui des esprits et celui des humains. C’est la problématique principale d’opéras tels que Rusalka (Dvorak), Lohengrin (Wagner), La Femme sans Ombre…
Ces êtres sont venus d’un autre monde avec l’espoir de s’unir avec un humain, connaître l’amour terrestre, s’intégrer et fonder une famille dans le monde des humains. Mais ils ont énormément de difficultés à jouer selon les règles et à s’intégrer.
Pour ces voyageurs, le passage d'un monde à l'autre qui implique un changement d’état... mais ils conservent toujours en eux une trace de son état d’origine.
Le Lohengrin de Wagner conserve ainsi sa nature divine de Chevalier du Graal, même au milieu des humains et ne peut s’en défaire. Il ne pourra donc s'intégrer véritablement au monde et lorsque son identité est révélée, il est forcé de repartir.
De même pour notre petite sirène tchèque, Rusalka (Dvorak, 1900).
Cette ondine, esprit des eaux, n’a pas d’âme : symboliquement, elle ne parvient pas à obtenir une vraie féminité et donc à s’attacher son amant, comme la Femme sans ombre de R. Strauss qui n’est pas totalement incarnée. Elles sont toutes deux incapables d’exprimer la passion que leurs amants humains attendent d’elles.
Rusalka prend une apparence humaine, mais ne peut pas communiquer (elle est muette), et elle conserve également sa froideur d’ondine, comme l'exprime si merveilleusement son père Ondin :
La Femme sans Ombre tentera la réconciliation entre les deux mondes, et ici, sa quête aboutit. C'est l'histoire d'une ascension progressive vers l’humanité. Elle passe du statut de fée à celui d’humaine. Sa victoire est d’accepter la condition humaine. (Cet opéra a été conçu comme une version moderne de La Flûte Enchantée, il s’agit donc bien d’une quête initiatique). Sur les voyages initiatiques, je prépare un nouvel article.
La perte du but et l’errance
La perte du but est un des risques du voyage. Siegfried dans la Tétralogie, oublie d’où il vient, oublie son identité, sa femme Brünnhilde, et donc quel est le but ultime de son voyage : vers qui il doit revenir. Cela le conduira à sa perte.
Certains héros d’opéra atteignent le but recherché, l’initiation (La Femme sans Ombre, Tamino et Pamina dans La Flûte Enchantée, ou encore Bacchus dans Ariane à Naxos de Richard Strauss qui découvrira au terme du voyage son identité de Dieu. D'autres parviennent tout simplement à rentrer chez eux avec l’être aimé (Mozart, Rossini, Orphée de Gluck).
Rusalka au contraire est condamnée à errer à jamais entre les mondes, ne pouvant rentrer chez elle et ne pouvant s’intégrer dans un nouveau monde.
L’errant est en particulier figure récurrente chez Wagner… une errance qui ne finit que par la mort et la rédemption.
Le Hollandais volant (1843) (Der Fliegende Holländer)
Le capitaine maudit du Vaisseau Fantôme est dans l’impossibilité de retourner dans sa patrie mais ne peut pas non plus mourir. C’est l’image du « juif errant » que l’on retrouvera dans Parsifal, (personnages de Parsifal et Kundry) et Tannhaüser… Ces êtres cherchent en vain une contrée qui leur est interdite. C’est une figure à laquelle Richard Wagner, banni d’Allemagne, errant de pays en pays, s’est longtemps assimilé.
Le « Wanderer »
Dans La Tétralogie, le personnage principal, Wotan, a longtemps aspiré au pouvoir et à l’amour. Mais à l’approche du « Crépuscule des Dieux » annoncé par la Déesse Mère Erda, et alors qu’il a dû sacrifier son fils Siegmund puis sa fille préférée Brünnhilde, Wotan, désabusé, perd tout d’intérêt pour le but. Il se réfugie dans la pure observation, le détachement, le refus d’intervenir dans le cours du Monde qu’il abandonne à son destin.
Lui qui était le Dieu même de la Volonté, du pouvoir et de l’action, devient le Wanderer, le voyageur, l’errant. Wagner a ici été influencé par les théories de Schopenhauer : la solution aux tourments de la vie se trouve dans l’absence de « vouloir ».
Mais ce voyageur errant peut aussi faire figure de sage : il est celui qui transmet la connaissance d’un pays à l’autre. Il joue le rôle du colporteur qui apporte une ouverture au monde, surtout à une époque où celui-ci était plus cloisonné que maintenant.
Le voyage est donc aussi lié à la connaissance.
Voici l'acte I de Siegfried, et la rencontre entre le Wanderer et le nain Mime.
Le retour dans la patrie
Si le retour se fait souvent sans heurt, le voyageur retrouvant tranquillement sa femme et son foyer, conservant seulement de beaux souvenirs à raconter à ses enfants et petits-enfants (Ex : final de Sadko vu plus haut), l’arrivée au pays est parfois difficile.
Dans Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) de Monteverdi, par exemple, celui-ci se voit confronté à tous les prétendants de Pénélope et doit tous les éliminer.
Quant au Ménélas de La Belle Hélène (1864) d’Offenbach, expédié en Crête par le Grand Augure Calchas, c’est tout simplement le prince troyen Pâris qu’il trouve dans le lit de sa femme à son retour...
Et pour continuer votre voyage en musique, pourquoi ne pas vous rendre en Orient ?
A moins que vous ne préfériez l’Inde !?
Ou bien l’Amérique !
A bientôt en tous cas sur Le Voyage Lyrique !
Julia Le Brun
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