Le Voyage Lyrique - Découverte de l'opéra

Le Voyage Lyrique - Découverte de  l'opéra

Histoire de l’opéra américain

Savez-vous que les Américains ont aussi leur opéra  ? Oh, le genre est assez mal connu en Europe, où l’on aurait tendance à croire qu’il se réduit à Porgy and Bess, aux œuvres minimalistes de John Adams et éventuellement à un Menotti volontiers traité de « sous-Puccini ». 

Pourtant, même si ces œuvres n’ont pas souvent traversé l’Atlantique, il existe une vraie production locale, et ce depuis le XIXe siècle, et bien des chefs d’œuvres à découvrir.

D’abord inspirés par le bel canto italien puis fascinés par Wagner, les compositeurs américains n’hésiteront pas au tournant du siècle à exploiter le patrimoine culturel et musical amérindien, dans de grandes œuvres plutôt néoromantiques avant que l’avènement du jazz ne vienne changer la donne.

Le genre connait après la guerre une expansion considérable dans tout le pays, lié à la création de nouvelles salles, au développement des media de masse et à la mise en place de projets pédagogiques variés. Opéras de chambre et opéras pour enfants, « short operas », « blind opéras » et opéras télévisés se multiplient, notamment sous la plume de Giancarlo Menotti, tandis que le New York City Opéra se fait de son côté le champion de la création contemporaine américaine.

Les sujets se font alors plutôt « véristes » et l’Amérique rurale est alors volontiers mise en scène, comme dans la Susannah de Carlisle Floyd, tandis que le Metropolitan Opera, prenant le relais, monte en grande pompe les œuvres de Samuel Barber et offre à l’opéra américain une légitimité internationale.

Si beaucoup des œuvres à succès restent relativement tonales dodécaphonisme et sérialisme font leur apparition, avant d’être partiellement détrônés à partir des années 1970 par Philip Glass dont la musique hypnotique dite « minimaliste » ou « répétitive » aura une influence fondamentale sur la musique classique autant que sur le rock et la pop.

Beaucoup des compositeurs actuels s’en réclament toujours et la création contemporaine reste très riche, dynamisée par des commandes récurrentes de salles réclamant des œuvres accessibles à un large public — sur le modèle du cinéma. Ces créations ne rebutent pas non plus les grandes stars de l’opéra telles Renée Fleming, qui n’hésitent pas à participer à des productions généralement mises en scène de manière somptueuse.

Traversez l’Atlantique avec moi !

 

La vie musicale américaine au XVIIIe siècle

Le XIXe siècle

L’arrivée bel canto romantique italien

Musique légère et opérette

Influence wagnérienne

Première partie du XXe siècle

Le courant indianiste

L'opéra américain au Metropolitan opera de New York

Arrivée du jazz

Les iconoclastes

L'impact des media

Family opera et opéras de chambre

Gian-Carlo Menotti

Le NYCO, champion de l'opéra américain

Les modernistes

Nouveau vérisme et sujets ruraux

Néoromantiques et conservateurs

Entre opéra et "musical"

Minimalisme et musique répétitive

A l'aube du XXIe siècle

 

La vie musicale américaine au XVIIIe siècle

Pendant longtemps, la vie musicale américaine a été assez réduite : les colons avaient d’autres priorités, comme celle de survivre par exemple… et puis les Puritains n’étaient guère favorable à un genre lyrique de sulfureuse réputation.

Les premiers succès musicaux et scéniques furent ceux des « ballad operas » un genre importé d’Angleterre construit autour d’airs populaires avec dialogues parlés, chansons et chœurs, ainsi que des « pastiches », compilations d’airs connus sur des livrets nouveaux, un procédé typique de l’époque baroque.

Certains de ces spectacles furent parfois interdits par puritanisme… avant que la Guerre d’Indépendance ne bouleverse tout le pays.

 

Après la fondation de la République, on constate à la fois une augmentation des opéras « importés » d’Europe avec l’arrivée de compositeurs et librettistes européens, mais aussi une «américanisation » des sujets de ces œuvres.

Philhadelphie, la plus grande métropole de l’époque, s’offre son théâtre : ce sera le Chestnut Street Theater. Pendant ce temps, New York commence à se développer.

 

L’histoire garde la mémoire des premières créations lyriques américaines, mais les partitions sont perdues :

1757 Alfred, heroic opera de William Smith, College of Philhadelphia. 1er opéra sérieux écrit et représenté aux USA (pastiche)

1794 : Tammany or the Indian Chief, 1er opéra américain écrit par un compositeur unique.

1800 : Pizarro in Peru, « grand operatic tragedy » sur un texte de William Dunlap, pionnier du théâtre américain avec chœur et airs solos, musique composée ou sélectionnée par James Hewitt. Ce sera le premier grand mélodrame lyrique américain.

1803 The Voice of Nature, William Dunlap et Victor Pélissier, 1ère partition avec grand orchestre.

1808 The Indian Princess or La Belle Sauvage, de John Bray, sera la première partition intégrale piano chant d’un opéra américain ayant survécu. Texte de James Nelson Barker et musique de John Bray.  Créé à Philhadelphie, ce sera le premier opéra américain à être joué en Europe, à Londres.

Basé sur l’histoire de Pocahontas, c’est également un des premiers textes américains sur les Indiens d’Amérique.

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1814 The Aethiop : The Child of the Desert de Rayner Taylor, exemple de grand opéra romantique, sera joué jusqu’à la guerre civile.

 

L’arrivée bel canto romantique italien

La découverte par les Américains du bel canto romantique italien va changer la donne.

En 1825 a lieu la première représentation d’un opéra en italien : Le Barbier de Séville au Park Theater de NYC sous la direction du ténor Manuel Garcia, père de la Malibran, avec un orchestre de 25 instrumentistes un des plus importants de l’époque. C’est un succès immense, notamment pour la toute jeune Maria Malibran de 17 ans.

New York est justement en plein développement. On l’appelle « The Paris of the New World. » et il était prêt pour l’opéra italien.  

Dans la même saison, Garcia propose aussi Tancredi, Otello, La Cenerentola et Don Giovanni, avec le soutien de Da Ponte. A la fin de la saison, Garcia avait donné 79 représentations d’opéra italiens, dont 2 de ses compositions. Il quitte ensuite NY pour Mexico, mais Lorenzo Da Ponte reprend le flambeau. 

En 1833, c’est l’ouverture de l’Italian Opera house avec La Gazza Ladra de Rossini.

Les opéras italiens deviennent très populaires, et sont souvent créés rapidement aux USA comme Norma, la Sonnambula etc. Plusieurs maisons d’opéra sont construites.  

En 1854 est l’Academy of Music de NYC, 4600 sièges. Ce sera la plus grande scène du monde et la principale scène de NYC pendant 30 ans.

Les chanteurs deviennent des superstars. L’opéra chanté dans une langue étrangère favorise également la naissance d’un public plus « upper class » et devient un lieu important de sociabilité, même si certains se lamentent aussi de l’invasion de l’opéra italien.)

 

L’opéra italien à la sauce américaine

Certains compositeurs américains se mettent alors progressivement à composer des opéras italiens en anglais qu’ils appellent « Grand operas ». Le premier sera :

William Henry Fry (1813-1864)

Compositeur de musiques diverses, mais aussi correspondant en Europe, conférencier, William Fry se fait alors le champion de la culture musicale américaine, proposant des œuvres en anglais et sans dialogues parlés, notamment Aurelia the Vestal (1841), Leonora (1845) et Notre-Dame de Paris (1862)

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Sa Leonora créée Philadelphie en anglais puis en italien. Cette œuvre inspirée de Bellini et Donizetti sera le premier Grand opera américain à recevoir une couverture médiatique d’envergure.

Il n'y a pas d'extraits de ses opéras qui soient disponibles sur Internet, mais voici qui vous donnera une idée de sa musique : 


 

Succès de la musique légère

Après l’opéra Italien, c’est l’opéra bouffe d’Offenbach que l’Amérique découvre en 1867, lors de la création de La Grande Duchesse de Gerolstein à New York, qui déclenche pour quelques temps une « Offenbach mania ». Le compositeur sera même invité à faire le voyage, tous frais payés.

Le « duo des gardes » de Geneviève de Brabant d’Offenbach serait même à l’origine de l’hymne des Marines.

Puis, viendront les opérettes en anglais Gilbert et Sullivan :

1878 : 1ère américaine de H.M.S Pinafore - 1880 1ère du Mikado à Boston.

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Les opérettes viennoises connaissent également un grand succès.  

Bien sûr, les compositeurs américains vont suivre ces modèles. Gustav Kerker (1857-1923) composera ainsi 23 opérettes dont The Belle of New York (1897)

Certaines de ces opérettes se rapprochent d’ailleurs du Grand Opera, témoignant d’une recherche de spectaculaire dans les décors et costumes, mais aussi d’une quête d’exotisme : Les sujets européens seront progressivement abandonnés au profit des Amérindiens, Japonais, mythologie…

 

Une volonté pédagogique

L’opérette s’étend à tout le pays. Cette musique est jouée notamment dans les églises et réunions des communautés : il y a une réelle volonté de faire connaitre la musique dans l’Amérique profonde.

Apparaissent alors les premières œuvres pour enfants ou destinées aux universités ou amateurs.

 

Les grands compositeurs d’opérette américains :

John Philip Sousa (1854-1932)

Directeur de la « Marine Band » « The President’s own », il compose notamment :

El Capitan, (1895) est le plus populaire de ses 15 « comic operas »

Désirée (1883) (situé à l’époque des Trois Mousquetaires.)

Chris and the wonderful lam (1899) situé aux US mais mettant en scène Aladin.


 

Reginald De Koven (1859-1920) lègue 28 opérettes dont :

Robin Hood, dont la chanson : « O Promise me » a connu un immense succès

  

Ce « comic opera » qui connait en son temps un immense succès, sera progressivement remplacé par la comédie musicale au XXème siècle, revitalisée par l’arrivée du ragtime, une musique que Victor Herbert (1895-1925) intégrera progressivement dans ses opérettes qui feront fureur dans les décennies de 1894 à 1924, notamment Her Regiment (1918)

Il en composera une cinquantaine, révélant des changements dans les styles populaires.

 

En 1927, Show Boat de Jerome Kern, consacre la naissance du “musical” (comédie musicale), associant musiques rythmées, chant et danses, qui va progressivement devenir un genre à part entière (voire LE genre américain par excellence, à différencier au passage de l’opéra rock qui n’a aucune rapport).

 

Prédominance de Richard Wagner dans le Grand Opéra

A la fin du XIXe siècle, le Grand Opera connait également un tournant. Après le succès de l’opéra italien, c’est désormais l’influence wagnérienne qui va se faire prédominante, renforcée par le fait qu’en 1890, 27% de la population de NY est allemande. Ils ont d’ailleurs leur propre théâtre, le NYC German language Stadt Theater où sera créé Tannhäuser en 1859 et Lohengrin en 1871, avec un succès immense.

 

En 1883 est inauguré le Metropolitan Opera de New York (Met) (avec le Faust de Gounod), appelé à jouer un rôle central dans la vie lyrique américaine, et bientôt mondiale.

Jusqu’en 1891, tous les opéras y sont chantés en allemand, même Aida et Faust et Wagner constitue presque la moitié du répertoire.  

1886 : Première de Tristan und Isolde

1888-89 : Première de la Tétralogie.

Noël 1903 : la création de Parsifal au Met est un évènement (500 places debout sont alors vendues... et pour rester debout pendant tout Parsifal, il faut être très motivé  !)

Cosima Wagner intentera d’ailleurs un procès (qu’elle perdra) au Met, car Wagner avait exigé que son œuvre ne puisse pas être jouée ailleurs qu’à Bayreuth.

Et à l’inverse, en 1902 Zenobia, queen of Palmyra de Silas Pratt est le premier opéra américain à être produit avec succès en Europe (Allemagne).

 

La musique wagnérienne aura donc une influence fondamentale sur les compositeurs américains de l’époque. Plusieurs « grands opéra » voient le jour à la fin du siècle, avec 5 grands compositeurs :

- Silas Pratt (1846-1916) à Chicago crée en 1883 Zenobia. Le public est troublé par son langage harmonique.

- Frederick Grant Gleason (1848-1903) crée :

Otho Visconti grand opéra dans la tradition de Wagner et Meyerbeer. (1877)

Montezuma (1885) « grand romantic opera »

- Edgar Stillmann Kelley (1857-1944)

Son très cinématographique Ben Hur (1899) annonce les futures musiques de films avec grands chœurs, et leitmotivs wagnériens.


 

- John Knowles Paine (1839-1906) compose Azara (1898), grand opéra qui ne sera jamais mis en scène, du fait de la difficulté de la partie vocale : il n’y avait à l’époque pas d’assez bons chanteurs parlant anglais !

 

- Walter Damrosch (1862-1950) compose :

The Scarlett Letter, drame musical influencé par Wagner, d’après un roman de Nathaniel Hawthorne, une romance psychologique à Boston au XVIIIes.

Deux de ses opéras seront produits au Metropolitan Opera (qui n’accueillait à l’époque pas beaucoup de créations « du cru ») Cyrano de Bergerac (1913), The Man without a country (1937)


 

Dans la lignée de Richard Strauss et du “Jugendstil”, avec un accent mis sur la sexualité, on notera aussi la Judith de George Whitefield Chadwick (1854-1931) tandis que Horatio Parker (1863-1919), également admirateur de R. Strauss crée Mona au Met en 1912.

 

Le mouvement indianiste

En 1900, le style wagnérien n’est plus nouveau. Il est devenu une tradition. Les compositeurs partent donc en quête d’une création plus nationale, plus typiquement américaine… quoi de mieux à ce stade que la culture amérindienne  ? D’autant que contes et légendes ont été mis à la mode par le courant wagnérien  !

John Comfort Filmore, qui passe plusieurs mois chez les Omahas trouvera d’ailleurs une « connexion cosmique » entre leur musique et celle de Wagner.

Les légendes indiennes fournissent des livrets pleins de mysticisme et mélodrame, et la musique des Amérindiens consacre la suprématie de l’imagination et de l’émotion sur l’intellect. Elle n’est pas rationnelle, elle relève de la foi, un don des dieux, et est vécue en communauté. Elle n’est pas l’expression d’un individu mais une magie faisant appel aux pouvoirs de la nature, les contraignant à la volonté de l’homme.

L’intérêt croissant pour la culture, les légendes et la musique des amérindiens apporta ainsi un nouvel « exotisme » tout en consacrant un renforcement de la conscience nationale.

 

Découverte et utilisation de la musique amérindienne

Dans les années 1890, le développement de la technique d’enregistrement du son permet aux compositeurs de saisir une culture musicale transmise oralement. Les femmes comptent d’ailleurs parmi les pionniers de ce mouvement « indianiste ». (Bela Bartok effectuera d’ailleurs le même travail de collecte de mélodies folkloriques en Hongrie en ce début du siècle)

 

1893 : A Study of Ohama Indian Music de Alice Cunningham Fletcher est la première transcription de leur musique en langage occidental.

1907 : Natalie Curtis effectue la première publication extensive de musique amérindienne

Et les compositeurs pourront ainsi commencer à intégrer cette musique dans leurs œuvres. On voit naître toute une série d’opéras « indianistes », plus de 20 opéras entre 1910 et 1930.

Plusieurs compositeurs partent alors vivre vivent au sein des tribus pour mieux les comprendre.

La compositrice Stella Prince Stocker (1858-1925) deviendra même membre de la tribu Ojibway.

En 1916 sa “pièce historique en quatre actes” Sieur du Lhut intègre des mélodies indiennes.

Cecil Fanning, librettiste de Alglala (1924) de Francesco de Leone vit dans une réserve Crow.

Arthur Nevin, compositeur de Poia (1910) travaille avec les Blackfeet.

Charles Wakefield Cadman fait des enregistrements dans la réserve Omaha du Nebraska.


Les livrets révèlent les diversités des diverses cultures amérindiennes, même si on retrouve toujours le même trio mélodramatique : la jeune fille indienne aime un homme blanc mais le rival ou père indien ne veut pas…
L’histoire est souvent centré sur un personnage féminin dans le style wagnérien, des amoureuses courageuses qui meurent à la fin pour sauver leur amant…

 

Poia d’Arthur Nevin (1871-1943) compte parmi les œuvres les plus importantes de ce courant.

L’influence wagnérienne y est sensible : sujet mystique, leitmotivs, flux musical continu, partition très riche.

L’œuvre est créée en version concert à Pittsburg en 1906 et en version scénique à Berlin. L’histoire est tirée d’une légende Pieds-Noirs de Poia, petit-fils du Dieu du Soleil et sauveur de son peuple.

C’est un conte magique et chamanique, où se retrouve la thématique du pouvoir de la flûte liée au désir sexuel.

Voici tout le premier acte : 


 

Pourtant symboles et le mysticisme seront rapidement abandonnés au profit d’une vision plus vériste de la vie quotidienne des Indiens.

 

Victor Herbert (1859-1924)

Outre les opérettes, dont nous avons déjà parlé et qui constituent l’essentiel de son œuvre, ainsi que The Fall of a Nation, une des premières partitions de musique de film (1916), Victor Herbert présente en 1911 en son grand opéra en 3 actes : Natoma  à Philadelphie avec, chose rare pour une œuvre américaine, un premier ténor du Met McCormack, et Mary Garden, la créatrice de Mélisande à Paris.

C’est l’œuvre très attendue d’un compositeur au sommet de sa gloire. On attend de lui qu’il porte l’opéra américain au niveau de l’opéra européen. Mais cette histoire d’une jeune indienne qui tue pour protéger sa maîtresse ne rencontrera pas le succès attendu. Le livret très vériste surprend en outre les critiques.


 

Shanewis, the Robin Woman

En 1918, c’est Charles Cadman (1881-1946) qui fait créer au Met le premier opéra situé dans l’Amérique contemporaine, sur un livret écrit par une femme, Nelle Richmond Eberhart, et en collaboration avec Tsianina Redfeather Blackstone, une chanteuse Cherokee. En introduisant des éléments de sa vie personnelle, il présente pour la première fois sur la première scène lyrique new-yorkaise des problématiques en lien avec la vie des Amérindiens de l’époque.

La chanteuse interprétera ensuite son propre rôle dans cet opéra à Denver et à Los Angeles où elle chante en 1928 avec le Chef Os-ke-non-ton, baryton Mowawk, devant 22000 personnes.

L’opéra sera diffusé à la radio dans tout le pays la même année.

La chanson « from the Land of the Sky Blue Water » est restée célèbre.

 

 

 

Cadman composera en tout 5 opéras : Daoma (1912), the Garden of Mystery (1915), Shanewis (1918) A witch of Salem (1926) et The Willow Tree, composé pour la radio. (1932)

 

De la même manière The Legend of Wiwaste de Samuel Earle Blakeslee, est monté à l’Hollywood Bowl en 1924 tandis qu’en 1928 The Sun Bride de Charles Sanford Skilton « a Pueblo Indian opera » sera le premier opéra à faire sa première à la radio américaine.

Winona d’Alberto Bimboni est créée à Portland (1926). La musique, reflet de son héritage italien, rencontre un immense succès. Son opéra consacre l’apogée et la fin du mouvement indianiste.


 

Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour que reviennent ces sujets, avec des œuvres telles que Dreamkeepers (1996) de Carlson ou encore The Woman at Otowi Crossing (1995) de Stephen Paulus

 

Ces opéras indianistes rencontreront pendant un temps un immense succès dans tous les USA, avant que l’influence de la musique amérindienne ne soit détrônée par le succès croissant du jazz. Ils ont beaucoup contribué à faire venir à l’opéra des gens qui n’y étaient pas sensibilisés, dans les régions les plus reculées des USA.

De manière générale, le genre lyrique commence à devenir plus familier aux Américains, grâce notamment aux diffusions radio.

 

L’opéra américain au Metropolitan Opera de New York

 

Il faudra un certain temps avant de l’opéra américain, longtemps considéré comme inférieur par les Américains eux-mêmes, fasse son entrée sur la scène la plus prestigieuse du pays.

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C’est Giulio Gatti-Casazza directeur du Metropolitan Opera de NY de 1910 à 1935 qui apporte à l’opéra américain les moyens et le prestige national et international de cette institution. Proposant souvent des œuvres courtes en « double bill », il leur offre pour la première fois les meilleurs chanteurs, chefs et metteurs en scène.

Le 18 mars 1910, The Pipe of Desire de Frederick Converse est le premier opéra d’un compositeur américain qui soit présenté au Met. Cette œuvre mystique en un acte raconte l’histoire d’une pipe magique du Roi des Elfes, qui sera mal utilisée par le jeune Iolan, causant sa mort et celle de sa fiancée. (L’influence wagnérienne est encore sensible  !)

 

Dans un tout autre style, proche de l’opéra italien et français, Walter Damrosch propose en 1913 une adaptation lyriques de Cyrano de Bergerac (avant la version d’Alfano créée en 1936).

 

Des créations sous le signe de la modernité technologique

 

Mais c’est Shanewis de Cadman qui aura le plus de succès dans la saison.

La mise en scène, très moderne, est abstraite et stylisée. Gatti-Casazza, qui est également passionné par la mise en scène et les nouvelles techniques, a en effet embauché Bel Geddes, metteur en scène, qui travaillera ensuite pour Broadway et inventera des effets de lumière originaux avec des lampes et lentilles de son invention.

On note une ressemblance entre la musique de Cadman et celle de Puccini (qui fera sensation en 1917 avec la création de La Fanciulla del West, en italien, mais sur un sujet américain et spécifiquement composé pour le Met) 

 

Après la guerre, plusieurs œuvres courtes et expérimentales sont créées au Met, subissant d’ailleurs l’influence du développement du cinéma :

The White Buffalo Maiden, Eugene Adrian Farner (1923), cherche à rapprocher l’opéra des techniques de films pour attirer le public : action, intérêt dramatique soutenu, brièveté, scènes, simplicité de l’action.

 

The Legend Joseph Breil (1919) est un mélange d’opéra et de film, insistait déjà sur l’importance de l’action, offrant également le succès à l’immense Rosa Ponselle.

Joseph Breil écrira d’ailleurs aussi des mélodrames et partitions pour cinéma. Intolerance (1916) (film de DW Griffith), Birth of a Nation (1915) (film de DW Griffith), The Phantom of the opera (1925)

Pasha’s Garden de Carleton Smith impressionne par les effets techniques de mise en scène et l’utilisation de la lanterne magique inventée par Frederick Kiesler.

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Ce sera un des plus grands succès à la fin de la carrière au Met de Gatti. Mais il devra également son succès au talent de son principal baryton Lawrence Tibbett (1896-1960)

Après des débuts au Met en 1923, il chantera 384 représentations jusqu’en 1950. Tibbett, fort de son charisme et de sa diction parfaite, appréciait le fait de chanter en anglais, ce qui était rare à l’époque.  


 

Autre personnage très important pour la scène américaine de l’époque : Deem Taylor (1885-1966)

Editeur en chef de « Musical America », critique musical, Directeur de l’American Society of Composers, Authors and publishers, il animait des émissions pédagogiques à la radio, et fut le narrateur du premier

Fantasia, et il composait également : oeuvres chorales, opéras, partitions de films. Sa suite orchestrale Through the Looking Glass (1922) d’après Lewis Carroll, sera une des œuvres symphoniques américaines les plus jouées dans le pays.

En 1927, son opéra The King’s Henchman est créé au Met. Il connaîtra 17 représentations sur 3 saisons consécutives.  Ce sera l’occasion de la première diffusion radio depuis la scène du Met, et le premier opéra américain à être diffusé en Europe. Les guichets affichaient complets des semaines avant la première pour cet opéra inspiré de Tristan et Iseult créé avec Tibbett, dirigé par Tullio Serafin. il est plein d’une grâce romantique, avec un orchestre très riche usant de leitmotivs wagnériens (mais aussi une touche d’ironie qui a échappé à la critique de l’époque.)


 

Il rédige lui-même le livret de son opéra suivant, d’après la nouvelle de George du Maurier : Peter Ibbetson, créé 1931 avec également un immense succès : 22 représentations et une tournée dans tout le pays.  On dit alors que c’est le plus bel opéra américain que le Met ait jamais produit. Le livret en est sombre, mystique et romantique « romantique avec Goethe, réaliste avec Thackeray et symboliste avec Maeterlinck, et sentimental avec les trois », la partition éclectique témoignant d’une forte influence française.

 

 

Voici l'enregistrement de l'époque...

 

Merry Moun de Howard Hanson, d’après une nouvelle de Nathaniel Hawthorne, très lyrique et post-romantique, avec chœurs et morceaux clos est créé en 1933 et également diffusé à la radio avec une très large audience. L’opéra raconte l’histoire d’un pasteur puritain fanatique qui devient fou et se tue, avec la femme qu’il aime, dans une église en flammes…

 

Mais c’est dans un tout autre style, déclamatoire et atonal dans le style de Wozzeck, que Louis Gruenberg (1884-1964) compose The Emperor Jones. Celui qui avait dirigé dirige la première américaine du Pierrot Lunaire de Schönberg, introduit la « modernité musicale » au Met… Nous sommes en 1933.


 

Les Noirs américains à l’opéra

L’Emperor Jones sera un des premiers personnages principaux d’opéra américain qui soit noir. C’est l’occasion de revenir un peu sur la place des Noirs dans l’opéra américain :

Les personnes de couleur n’étant pas les bienvenues dans les opéras, que ce soit sur scène ou dans la salle, des salles spécifiques avaient fini par s’ouvrir dès le XIXe siècle. En 1872 avait été fondée la « Washington DC fine colored Opera company ». Suivra la Theodore Drury Opera Company à NYC en 1900 qui présente Carmen, Aida, Faust au Lexington Opera House de NY, de 1910 à 1915.

Ces salles permettent aux chanteurs d’opéra (chanteuses surtout) de se produire sur scène, devant un public majoritairement noir. Alors qu’elles étaient autorisées par ailleurs à chanter en Europe, ou même devant le président des USA, Marie Selika ou Sissieretta Jones étaient interdites sur les grandes scènes lyriques américaines. 

C’est Marian Anderson qui, en 1955, sera la première chanteuse noire à être autorisée à pouvoir chanter sur la scène du Met avant que Grace Bumbry, Leontyne Prince, Jessye Norman, Shirley Verrett, Barba Hendricks ne deviennent des stars internationales.


 

Dans l’entre-deux guerres, pendant la Harlem Renaissance, plusieurs théâtres « all black » s’ouvrent progressivement à NYC. Harlem devient une cité afro-américaine au cœur de NY. Des écrivains noirs, poètes et musiciens y viennent de tout le pays pour se faire connaître des éditeurs new-yorkais.

Compositeurs et chanteurs s’y produisent librement, tentant également d’attirer l’attention des critiques blancs. Ces chanteurs noirs seront d’ailleurs les premiers à introduire le jazz dans la musique classique, ainsi que d’autres influences telles que spirituals, danses rituelles, blues…

 

Edmund Dede, né à la Nouvelle Orléans en 1829, sera un des premiers noirs à composer un Grand Opera : le Sultan d’Ispaha dans le style de Verdi. Lucien Lambert compose aussi plusieurs opéras, dont La Spathi (1897)

Mais c’est le compositeur Harry Lawrence Freeman (1869-1954) qui sera une la personnalité noire la plus marquantes du monde lyrique de cette époque. 

Originaire de l’Ohio et né dans une famille prospère, il est surnommé « the colored Wagner », (surtout pour l’ampleur démesurée de ses ambitions). Il laisse en effet plus de 20 œuvres pour la scène, essentiellement des grands opéras composés dans la tradition néoromantique, dont 2 énormes « Ring ». Ses histoires ultra dramatiques sont pleines de jalousie, pouvoir occultes, meurtres, dans la tradition romantique.

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De 1895 à 1900 il travaille sur un cycle de 4 opéras, introduisant progressivement des personnages noirs, le dernier étant intégralement noir. Valdo est produit en 1906 mais le reste du cycle est inachevé.

Son second cycle, Zululand (1941-1944) fut terminé mais jamais mis en scène (la partition de piano fait 2150 pages).

En 1928, son Voodoo est créé au Palm Garden Theater de NY et attire l’attention de la presse. Ce sera le premier opéra par un noir américain créé à Broadway. L’œuvre sera diffusée à la radio la même année.

Voodoo est une œuvre originale, un grand opéra auquel on ajoute du jazz, blues, spirituals, et chants voodoo. L’histoire se passe sur une plantation de la Nouvelle Orléans après la guerre civile et se base sur les cultes vaudoux dont les cérémonies étaient encore pratiquées en Louisiane à la veille de la St Jean.

Certains trouvaient à l’époque la musique discordante, mais l’œuvre ne laisse personne indifférent… mais le monde de l’opéra n’était pas encore prêt à l’introduction du jazz, considéré alors comme une forme artistique mineure.


 

Treemonisha, Scott Joplin (1868-1917)

Le pianiste Scott Joplin ne parviendra pas à produire son unique opéra (composé en 1911, mais créé après sa mort en 1972) qui tombera dans l’oubli avant de faire des débuts triomphaux à Broadway et être enregistré. Ce sera le premier opéra afro-américain à obtenir une reconnaissance moderne à l’échelle internationale et on donnera en 1976 à Joplin un prix Pulitzer posthume…

L’histoire montre Treemonisha, la seule femme instruite du village, dirigeant les villageois hors de l’ignorance. Voyant les problèmes des communautés afro-américaines, Scott Joplin affirmait alors que l’égalité raciale viendrait avec l’éducation.

Même s’il intègre beaucoup de musique ragtime, la musique a toujours les accents néoromantiques de la musique européenne de l’époque.


 

Après le succès de The Emperor Jones, qui utilisait en plus de la musique atonale, des negro spirituals et du jazz, deux opéras de compositeurs noirs ont été produits au Met en 1933, tous les deux incluant du vaudou, très la mode : Tom-Tom de Shirley Graham et Run, Little Chillun, Hall Johnson (1888-1970) par ailleurs compositeur de spirituals qu’il inclut dans son œuvre.

 

Ouanga de Clarence Cameron White (1880-1960) est produit en version mise en espace au Met le 27 mai 1956, par la « National Negro Opera company ». Ce sera première production d’une organisation noire à paraître au Met.

L’opéra est écrit dans le style néoromantique, un art mélodique typique de Massenet, très riche harmoniquement parlant avec des effets debussystes, l’utilisation gamme pentatonique, dissonances etc. Il a été ensuite joué avec succès dans plusieurs villes américaines.


 

Trouble Island de William Grant Still, créé au Met, est situé à Haiti. (cela coïncide avec l’occupation US d’Haiti (1915-1934)) Le sujet est celui de Jean-Jacques Dessalines, Empereur noir d’Haiti qui proclame l’indépendance d’Haiti contre les Français en 1804.

 

Innovateurs et iconoclastes

Entre les deux guerres, les créations se font de plus en plus expérimentales et iconoclastes : dialogues parlés, nouvelles techniques de mise en scène, partitions peu conventionnelles, ils interrogent la nature même du genre.

 

L’impact du jazz et le vérisme

C’est le jazz qui donnera à l’opéra du XXe une nouvelle dimension dramatique. Il éloigne l’opéra du wagnérisme et le porte vers les domaines du réalisme, de l’expressionnisme, et du commentaire social.

On introduit progressivement de nouvelles sonorités, et de nouveaux rythmes : harmonies, glissandi de trombone, solos de clarinettes dans les aigus, cuivres bouchés, saxophone etc… cela devient un moyen d’expérimentation et d’innovation, en France comme aux Etats-Unis.

Mais le bouleversement n’est pas seulement musical. En fait, le mot jazz était avant tout associé à l’époque moderne, à un nouveau mode de vie. On disait qu’il était caractéristique de la civilisation américaine.

The Immigrants, opéra de F.S.Converse, était appelé un « jazz opera », même si la partition n’avait aucun lien avec le jazz. Mais il s’éloignait des conventions de l’opéra traditionnel en se concentrant sur des problèmes sociaux contemporains et des situations réalistes, racontant les désillusions et le sort tragique d’immigrés italiens arrivés aux US au début du XXe.  Ce sera en fait un des premiers livrets véristes américains. Commandé par l’opéra de Boston, il ne sera jamais créé.

Le Met aussi avait refusé plusieurs œuvres véristes dans les années 1910 « unsuitable subject matter », trop proches des problèmes contemporains de la société.

 

Dans les années 20, on commence à utiliser la musique de jazz dans les partitions pour des œuvres réalistes :

Dans Shanewis de Cadman, il y a un orchestre de jazz sur la scène.

Frank Harling, compositeur de symphonies propose A Light from St. Agnes (1925) et Deep River (1926) qui s’inspirent de la vie à la Nouvelle Orléans. Le premier fut appelé « American Jazz opera » par les critiques, il incluait saxophones, banjos, chansons créoles.

           

Porgy and Bess, G. Gershwin

Mais c’est bien entendu Gershwin qui est parvenu le premier à mêler jazz, drame, symphonie et chanson avec le plus de succès. Porgy and Bess, sous l’influence du romantisme tardif, reste l’opéra inspiré par le jazz le plus célèbre.

Gershwin était régulièrement présent aux soirées et clubs de Harlem. Le jazz était pour lui une forme puissante de ce qu’il appelait l’« American folk music ». Il n’est pas le premier à opérer la fusion entre musique savante et musique populaire, mais c’est lui qui y parviendra avec le plus de bonheur.

 

L’histoire de Porgy and Bess est située dans les années 1920, dans une communauté noire de Charleston et le personnage de Porgy est inspiré d’un personnage réel de Samuel Smalls mendiant de Charleston. Le roman, et le livret, seront imaginés par l’écrivain Dubose Heymward, qui accepta avec joie de collaborer avec Gershwin : ce sera une longue et joyeuse collaboration entre l’intellectuel sudiste et le juif new-yorkais.

 

Les « spirituals » seront composés spécifiquement pour ce qu’il appelait son « folk opéra » réclamant par ailleurs des voix d’opéra et un grand orchestre. Il utilise pour les chœurs, très importants, la technique qu’il avait entendue dans les églises noires de Charleston. Plusieurs mélodies récurrentes, dans le chant et à l’orchestre, telles que le célèbre « Summertime », créent une unité musicale.

 

Mais lorsque l’opéra est créé à Boston puis à New-York en 1935, le succès n’est pas au rendez-vous. A New York, on discute beaucoup de savoir s’il s’agit d’un opéra ou d’une comédie musicale. Les gens de Broadway trouvaient les récitatifs trop ennuyeux et la musique trop « conservatrice ».

Pour les critiques d’opéra, comme Virgil Thomson, c’était un exemple de « libretto that should never have been accepted on a subject that should never have been chosen by a man who should never have attempted it ». Les Noirs trouvaient quant à eux l’œuvre dégradante. Duke Ellington disait que la musique ne correspondait pas à l’esprit de l’histoire, Le langage inspiré de la « Gullah tongue » de James Island fut accusé de ne pas être fidèle à l’original etc.

Avec les revendications du mouvement des droits civiques des années 1960, Porgy and Bess a été également considéré comme un point de vue blanc, voire raciste, sur la condition des Noirs américains.

Mais le succès vint tout de même progressivement. La tournée en Europe dans les années 50 reçut d’excellentes critiques et l’opéra fut finalement mis en scène par le NYCO en 1962 et le Met en 1985, devenant finalement un classique, l’œuvre la plus célèbre de tout le répertoire américain !

Selon le vœu des frères Gershwin et de leurs ayants droit, Porgy and Bess ne peut être interprété que par une distribution exclusivement noire…

Ce sera la dernière grande œuvre de Gershwin. Il avait 37 ans et devait mourir deux ans plus tard sans savoir à quel point son opéra deviendrait célèbre.



 

  

 

Les opéras de Virgil Thomson et Gertrude Stein

Virgil Thomson, n’était pas seulement critique, mais aussi compositeur… il créera avec l’écrivain Gertrude Stein deux œuvres particulièrement iconoclastes.

 

L’influence parisienne

Leur collaboration débute dans les années 20, les « Roaring twenties », pendant lesquelles les artistes américains se retrouvaient à Paris dans le salon de Gertrude Stein et les studios de Nadia Boulanger et Jean Cocteau. C’est le temps des futurisme, dadaïsme, surréalisme, cubisme à Paris…

Notons que ce sont les Français qui ont d’ailleurs été les premiers fascinés par le jazz, « une sorte de catastrophe apprivoisée » disait Cocteau. Jazz, blues, Ragtime ont influencé Debussy, Stravinsky, Ravel, Milhaud. Ce n’est que plus tard que le jazz va gagner une respectabilité aussi aux US, auprès des compositeurs, critiques et publics. Et c’est à Paris que les œuvres d’expérimentales des Américains seront jouées pour la première fois (en 1926, le « ballet mécanique de George Antheil par exemple…)

Et c’est à Paris donc que le compositeur Virgil Thomson rencontre l’écrivain Gertrude Stein en 1935, poète radicale de Californie prétendant  « libérer la littérature du romantisme ».

De leur collaboration naîtra en 192, Four Saints in Three Acts, qui sera créé dans le Connecticut en 1934 par l’association « Friends and Enemies of Modern Music » à l’occasion de l’ouverture de la première rétrospective Picasso aux Etats-Unis. Il ne s’agissait pas moins que de « finir l’opéra » comme avait « fini la peinture européenne ».

Cette œuvre avec un « all black cast » est composée d’une série de tableaux dépeignant des évènements imaginaires dans la vie de Saints eu XVIe siècle en Espagne. Cet « almost-but-not-quite-opera” était en fait une parodie de Grand opéra. (« les pigeons sur la pelouse » étant par exemple une allégorie de l’Esprit Saint…)


La seconde oeuvre née de leur collaboration sera The Mother of us all (1947), au livret moins abstrait, situé dans l’Amérique du XIXe siècle, plein de souvenirs des musiques de l’Amérique rurale et reflètant le féminisme de Gertrude Stein.

 

Le surréalisme : Antheil et Blitzstein

Dans les mains de George Antheil et Marc Blitzstein, le jazz devient quant à lui un moyen de satire, servant un but politique. Pendant la Grande Dépression, le jazz devient la voix de la protestation sociale.

 

Transatlantic (Francfort, 1930) d’Antheil, est une satire dadaïste et surréaliste de l’élection présidentielle américaine. Il s’inspire du « Zeitoper » de Ernst Krenek, Kurt Weill, Hindemith.

Antheil avait travaillé en Allemagne dans les années 20 et connaissait bien le théâtre expérimental de la République de Weimar…Et en Allemagne comme en France, le jazz symbolisait la jeunesse, une jeune nation, moderne, excitante, faisant référence à un mode de vie frénétique.


 

The Cradle Will Rock (1937) de Marc Blitzstein, fable morale dédiée à Brecht a également une dimension parodique et satirique. C’est un pur produit de l’agitprop (agitation and propaganda), idéologie prévalent chez les travailleurs immigrés allemands de NY dans les années 1930. Les acteurs chanteurs y parlent directement au public. Un acte et 10 scènes représentent plusieurs segments de la vie américaine. Il s’agit de parler des classes moyennes, de la manière dont les intellectuels, petits commençants sont traités par le « big business ». Mise en scène par Orson Welles, cette pièce communiste, radicale, très prosoviétique devait être créé dans un théâtre Broadway. Mais elle fut refusée à la dernière minute par crainte de répercussions politiques et finalement, créée dans un autre théâtre le même jour avec le même public… et ils n’ont pas pu monter sur scène et ont joué au milieu du public.

 

Les années 1925-1940 ont été importantes dans l’histoire de l’opéra américain, consacrant une diversification importante des styles et des sujets.

 

L’impact des médias

Après la Seconde Guerre mondiale, l’opéra s’épanouit rapidement dans tout le pays. On voit naître une multitude de grandes et petites compagnies d’opéra : Dallas opera (1957), Lyric Opera of Chicago (1954), Houston Grand Opera (1955) etc.

Le développement des médias de masse va jouer un rôle fondamental dans cet épanouissement permettant au genre de toucher un nouveau public, à travers les enregistrements, les diffusions radios puis télévisées.

 

Les opéras à la radio et à la télévision

1920 : la station KDKA de Pittsburg commence ses premières diffusions régulières, avec 5000 récepteurs dans tous les USA. En 1924, on en comptera 2 500 000 !

En 1931 les “Metropolitan Opera Broadcast” sont inaugurés avec le support de Texaco.

Beaucoup de comédies et drames sont diffusés la radio et les premiers opéras diffusés à la radio seront des opéras américains… tout cela offre aux compositeurs de nouvelles opportunités : ils composent des œuvres uniquement pour la radio, ce qu’ils appelleront « blind operas », comme The Sun Bride de Charles Sanford Skilton, d’après une légende indienne en 1930. Il s’agit de faire plus court avec une intrigue simple et un orchestre de chambre.

1939, dans The Old Maid and the Thief de Menotti, chaque scène est précédée d’un petit résumé de l’action.

Le voici :

"Première d'un opéra écrit spécifiquement pour la radio"


Plusieurs de ces œuvres seront de bons drames musicaux en miniature, comme celles commissionnées par CBS à Vittorio Giannini (1903-1966) Flora (1937), Beauty and the Beast (1938) En 1953, son Taming of the Shrew (La Mégère apprivoisée) en trois actes sera le premier opéra intégral d’un Américain à être télévisé.


 

Développement du « family opera », opéra pour enfants

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Gian Carlo Menotti (1911-2007)

Menotti sera un des compositeurs d’opéra les plus importants de l’après-guerre.

Pour Menotti, l’opéra n’était pas un théâtre d’action mais de contemplation, destiné à « rendre les hommes plus humains ».

NBC lui commande son premier opéra pour la TV américaine : Amahl and the Night Visitors (1951), (alors qu’il est déjà connu pour Le Medium (1946) et The Consul (1950), les 2 premiers de ses 5 opéras en 3 actes, en tout, 25 opéras.)

Il donne une légitimité dramatique et une visibilité à un genre d’opéras qui deviendra de plus en plus important : l’opéra pour enfants. Le plus célèbre de tous sera Amahl qui aura une immense influence.

Amahl a été diffusé par les 35 télévisions affiliées à NBC : 5 millions de spectateurs virent donc le spectacle en direct, la plus grande audience à assister à un opéra à la télévision.


 

Suivront Help help the Globolinks (1968), The Egg (1976) Chip and his dog (1979), The boy who grew too fast (1982)

Menotti devient le leader mondial des opéras pour enfants proposant des œuvres pleines d’humour, imagination, et une caractérisation en profondeur des personnages.


 

Né en Italie, Menotti est inspiré des compositeurs de son temps : Mahler, Ravel, Stravinksy, Debussy et surtout Puccini, à qui il emprunte l’importance d’une mélodie chaleureuse et chantante.

C’est également un maître du suspense et du merveilleux.

The Labyrinth de Menotti, autre opéra télévisé, est un voyage symbolique à travers la vie.


Menotti et ses « followers » (Lee Hoiby son élève The Scarf (1955), et Stanley Hollingsworth) constituent sans doute la seule « école d’opéra » identifiable à l’époque.

 

Opéras de chambre, chamber operas et short operas

Ces opéras télévisés, simples et faciles à monter, connaîtront un grand succès dans les « opera workshops » des lycées et universités américains dont le nombre a énormément augmenté après la guerre, enrichis par les émigrés européens qui vont assurer la formation des musiciens et chanteurs et de l’audience, jouant un rôle essentiel dans le développement de l’opéra aux USA. Tout cela conduira à la naissance des « Chamber operas »

Dans les années 20 et 40, deux compositrices s’étaient déjà spécialisent dans ces opéras pour petits théâtres :

Eleanor Everest Freer (1864-1942) et Amy Marcy Beach (1867-1944) 

Plus de 100 opéras seront représentés à Chicago grâce à Eleanor. Elle crée « The Opera in Our Language fondation » pour la promotion de l’opéra américain. Cela deviendra en 1924 « the American Opera Society of Chicago », offrant des prix aux compositeurs américains.

Tous ces propres opéras, sont des opéras de chambre en un acte, représentés dans de petits clubs et organisations. Massimiliano, the Court Jester (1925) A Legend of Spain (1931) Joan of Arc (1929)

A Christmas Tale (1928)…

« As art is the expression of the like and Thoughts of a people, it must be developed, or a Nation passes, leaving no trace behind. Do we wish such a fate for our country ?”

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Tous ces « college » et « community » opéras offraient des opportunités à de nombreux compositeurs à travers le pays, représentant souvent de premiers essais lyriques. Mais cette forme spécifique du « short opera » attirait également les plus grands compositeurs du pays : comme Kurt Weill qui intègre folk tunes et musique religieuse dans Down in the Valley (1948), ou bien the Second Hurricane de Copland écrit pour les écoles de musiques qui se développaient dans le pays.

 

Le « short opera » peut aussi être associé à d’autres œuvres pour proposer des soirées variées. Ainsi, on

Devil and Daniel Webster de Douglas Moore associé au The Medium de Menotti, deviendront ainsi deux piliers du répertoire lyrique américain.

Douglas Moore (1893-1969) composera 12 opéras, souvent en lien avec les pionniers et l’Amérique rurale, le plus célèbre étant The Ballad of Baby Doe, que certains appellent la « quintessence de l’opéra américain ».

 

The Medium (1946) associé à The Telephone (1947) de Menotti connaîtront en outre un immense succès en Europe. A Paris « Le Medium » « chamber opera in two acts » a été une révélation. On apprécie son atmosphère magique, son intensité dramatique reflétant la propre crise de foi de Menotti.


 

Le charme, la grâce de Menotti sont italiens et sa musique est ancrée dans la tradition romantique italienne, sans chercher à utiliser des idiomes américains ni chercher de sonorités nouvelles.

Radio et télévisions ont apporté l’opéra dans les maisons, inspirant des œuvres plus courtes, plus compactes musicalement et dramatiquement parlant. Faciles à monter avec de petites distributions, ces œuvres ont joué un rôle important dans le développement des « operas workshops » des années 1950.

 

1945, le tournant - Le nouveau vérisme américain

Après la guerre, c’est le vérisme (courant ultra-réaliste né en Italie à la fin du XIXe) qui apporte une nouvelle vie à l’opéra américain. Les compositeurs concentrent l’action sur des personnages de tous les jours en leur donnant vie à travers une musique riche et mélodique. Les premiers opéras de Menotti sont souvent cités comme modèles, mais on en trouve déjà des éléments dans les opéras amérindiens Natoma, Shanewis, ou bien dans l’opéra de Converse The Immigrants, a propos des nouveaux italiens.

 

Le développement du cinéma aura également une influence fondamentale sur l’évolution du genre. Pour beaucoup de compositeurs, les films étaient une sorte d’opéra à l’américaine. « Cecil B. De Mille is our Meyerbeer », « Films have the emotional impact for the twentieth century that operas had for the nineteenth ».

Les plus belles partitions de films d’Hollywood ont été composées par de grands compositeurs classiques, tels que Korngold, et les compositeurs d’opéra ne manquent pas de faire des parallèles entre opéra et film.

 

Mais l’opéra est aussi chanté, et dans le vérisme de l’opéra américain, le chant doit permettre aux personnages d’exprimer leurs émotions et pensées les plus intimes, de la manière la plus intense possible.

 

Certains compositeurs de musiques de films n’hésiteront d’ailleurs pas à se lancer dans l’opéra.

E.W. Korngold est arrivé aux USA après avoir composé les deux chefs d’œuvres que sont La Ville Morte et « Le Miracle d’Eliane », et si Bernard Herrmann (1911-1975) est avant tout connu pour sa cinquantaine de musiques de films, notamment des thrillers d’Hitchcock : (Psycho, Vertigo, North by Northwest, The man who knew too much…) il consacrera 8 ans à la composition de son unique opéra, adaptation du roman d’Emily Brontë (Wuthering Heights créé finalement en 1966).

Comme Wagner, il utilise la musique pour renforcer le drame, dans Psycho, il n’y aura que des cordes, dans Torn Curtain, que des cuivres, dans the Ghost and Mrs Muir, 9 harpes pour la mer.


 

Désespérant de ne pas voir monter son opéra, il reprendra nombre d’idées musicales dans ses musiques de films. L’orchestration se fait toujours chatoyante, l’orchestre, utilisé au grand complet, ne couvre jamais les chanteurs et l’écriture vocale est très bien menée.

 

Plus tard, John Williams ne composera pas d’opéras, mais des symphonies, et Howard Shore produira l’opéra The Fly au Châtelet sous la direction de Placido Domingo.


 

Les opéras véristes de Menotti

Trois compositeurs dans les années 40 et 50 reflètent ce nouveau réalisme : Gian Carlo Menotti, Kurt Weill et Marc Blitzstein.

 

The Consul (1950) de Menotti est d’un réalisme intense au tragique proche du style vériste italien, témoignant d’une maîtrise absolue des techniques mélodramatiques, vocales et cinématographiques.

Une femme tente de s’échapper d’un état hostile et policier pour aller vers le monde libre. Elle se heurte à une démocratie froide et hostile.

La partition est très intimement liée çà l’action. L’utilisation d’instruments solo : piano, trompette bouchée, hautbois, clarinette, fait toujours écho au texte. Les cordes reflètent la passion et la harpe, un rêve.

L’œuvre recevra le prix Pulitzer. 


 

The Saint of Bleecker Street, huitième opéra de Menotti, et peut-être sa plus grande contribution au mouvement réaliste, connaîtra un succès artistique mais pas commercial.


 

Maria Golovin, de Menotti, raconte la passion d’un jeune aveugle pour une femme mariée… qu’il tente de tuer, sera télévisé par la NBC qui l’avait commandé et este une de ses œuvres les plus importantes.

 

Menotti se tournera après vers d’autres compositions : les opéras pour enfants etc. Il composera également un opéra sur mesure pour Placido Domingo :

Goya (1979)


 

Street scene, Kurt Weill (1900-1950)

Le compositeur d’origine allemande utilise dialogue parlé et des airs populaires.

Il arrive aux USA en 1935 après six ans de collaboration avec Brecht.

Street Scene est basé sur une pièce de théâtre. Tout le monde n’était pas d’accord pour appeler cela un opéra : on parle de « folk opera » comme Porgy and Bess ou de « dramatic musical ». L’œuvre dramatiquement intense et très réalise, intègre du jazz et des musiques populaires mais de manière moins fluide que dans Porgy and Bess. 


 

Marc Blitzstein, grand admirateur de Weill utilise dans Regina (1949) des musiques très variées. C’est une œuvre très originale et une grande partition symphonique.

 

Dans les années 1940, 1950, le mouvement vériste apporte une nouvelle vérité dramatique à l’opéra américain, à travers un développement des personnages et de leur personnalité. Ces qualités assureront le développement du genre dans les décennies qui suivront comme A Streetcar named Desire de Prévin (1998) et A View from the Bridge (1999) de William Bolcom d’après la pièce d’Arthur Miller.

 

Le New-York City Opera, champion de l’opéra américain

Dans les années 1950, le développement des arts et de l’industrie de la musique est rapide. Des centres culturels sont construits dans tout le pays, petites et grandes compagnies d’opéra voient donc le jour : Kentucky opera (1952), Santa fe (1956), Seattle (1962), Dallas Opera (1957) (inauguré par un gala de Callas)

Lyric opera od Chicago (1954), Houston Grand Opera (1955)

Mais ce sera le New York City Opera qui se fera le champion de l’Opéra américain.

 

La compagnie est créée en 1943 pour répondre à la demande de divertissements populaire à des prix bas, liée à l’arrivée massive d’immigrants pauvres mais cultivés. Elle s’installe au Lincoln Center en 1966, à côté du prestigieux Metropolitan Opera.  

Le NYCO fera tout pour embaucher des chanteurs, compositeurs et metteurs en scène américains, développant son influence non seulement à NYC mais dans tout le pays. Il invite en outre de plus en plus de chanteurs noirs, de chefs d’orchestre femmes, commandant régulièrement de nouvelles œuvres aux compositeurs contemporains. Des saisons entières étaient dévolues à des opéras américains Comme le dira la cantatrice Beverly Sills, devenue directrice du NYCO :

« We were risk takers, not only in repertoire but in looking for new and different ways to entertain our audience. We were young Americans who didn’t feel opera belonged to the Europeans ». “Nous prenons des risques, et nous croyons que l’opéra n’est pas exclusivement l’apanage des Européens!”

 

Le répertoire du NYCO est dès le début riche et varié, avec des compositeurs de toutes origines.

Julius Rudel (1921-2014) directeur artistique du NYCO de 57 à 79, aura une influence fondamentale sur le cours de l’Opéra américain et son acception par le grand public, créant des œuvres qui parviennent à se maintenir au répertoire. Il obtient des fonds de la fondation Ford pour la création de deux séries d’opéras américains : Regina, Wuthering Heights (de Floyd cette fois-ci…)

Rudel organise aussi des tournées (avec The Ballad of Baby Doe, Susannah, Street Scene, Six Characters in search of an author…)

En 1993 a lieu un festival avec la création de 3 opéras américains : Marilyn de Eric Laderman, Griffelkin de Lukas Foss, et Esther de Hugo Weisgall.

La Ford Foundation sera finalement identifiée à l’opéra américain, permettant au NYCO de monter environ 60 opéras américains, dont plus d’une trentaine en création. Remarquons entre autres :

 

The Tender Land (1954) Aaron Coplan “Lyrical folk opera” à la belle musique, mélancolique, consacre l’apparition du monde rural américain à l’opéra.

Le livret d’Horace Everett met en scène des fermiers du Midwest en 1930 consacrant l’apparition du monde rural, annonçant des folk operas plus dramatiques tels que la Susannah de Floyd.


 

Trois opéras importants créés dans l’après-guerre sont devenus des piliers du répertoire, (avec Porgy) :

Douglas Moore : The Ballad of Baby Doe

Robert Ward : The Crucible

Carlisle Floyd : Susannah

Ils sont typiquement représentatifs de l’opéra US : légendes de l’Ouest, contes de la Nouvelle Angleterre, sombres histoires du Sud… Lyriques, intenses et accessibles, ils sont devenus les émissaires de l’opéra américain en Europe.

 

Si Douglas Moore a composé 11 opéras en tout, c’est The Ballad of Baby Doe qui est devenue immédiatement populaire lors de sa création en 56. En 58, le rôle principal est chanté par Beverly Sills elle-même. Inspirée d’une histoire vraie lue dans les journaux, c’est une vraie aventure de la « frontier », un vrai western avec tout ce qu’il faut d’individualisme sauvage et d’horizons illimités, et des êtres humains complexes et touchants.



 

The Crucible de Robert Ward est un nouveau triomphe, un « phénomène américain ». Cette partition néo-romantique, qui a a reçu le Prix Pulitzer, subit l’influence de Wagner et R. Strauss : aucun compositeur européen de l’époque n’aurait osé utiliser à l’époque une musique tonale !

L’opéra se base sur la pièce de théâtre écrite par Arthur Miller en 1953 « Les Sorcières de Salem » et fondée sur les événements entourant le procès en sorcellerie en 1692 à Salem, dans le Massachusetts. Miller décrit l'événement comme une allégorie du maccarthysme.


 


 

La Susannah de Floyd 1955 créée en 1955 à la Florida State University a connu plus de 700 représentations depuis sa création. Ce conte biblique américanisé est un des opéras les plus joués aux US.

Ce sera Erich Leinsdorf (chef du Cleveland Symphony Orchestra) qui deviendra « general manager » du NYCO en 1955. Il arrivait avec pleins d’idées pour revitaliser la compagnie. … mais cela fut un échec financier.

Le 27 sept. 1956, la création de Susannah de C. Floyd est un évènement majeur.

L’opéra était dirigé par Leinsdorf lui-même avec la basse Norman Treigle dans le rôle du prêcheur itinérant Olin Blitch.

Pour certains critiques c’est l’opéra le plus émouvant et le plus impressionnant qui ait jamais été composé aux USA, depuis Porgy…

L’individu innocent victime contre la bigoterie des masses était un thème familier des années 1950. Mais Floyd l’exprime différemment de Ward, musicalement et dramatiquement. On retrouve dans cette œuvre de nombreux aspects de la culture américaine : Chansons populaires, « revival hymnes », danses, le tout dans une communauté isolée du Sud, sans électricité ni eau courante dans les montagnes du Tennessee, comme beaucoup de communautés rurales après la guerre…

Floyd n’a que 28 ans quand il compose cette œuvre et est professeur à la Florida State University.

Fils d’un prêtre méthodiste, il connaissait les « revival meetings » décrits dans l’œuvre, une scène particulièrement marquante, et terrifiante.

 

En 1998, il était joué au Met avec Renée Fleming. Cet extrait avec Samuel Ramey est extraordinaire. C'est le "revival meeting".

 

 

Egalement de Carlisle Floyd (1926-2021) : The Passion of Jonathan Wade (1962), Wuthering Heights (1959) Of Mice and Men (1970).  


Avec Cold Sassy Tree (Houston 2000), il retrouve le succès de Susannah: pouvoir mélodique, tonalité, livret prégnant.

 

 

Conservateurs néoromantiques  

A la fin des années 1950, le répertoire s’éloigne progressivement de cet idiome rural vers une expression plus internationale et plus proche du grand opéra avec Samuel Barber qui monte au Met : Vanessa en 1958 et Antony et Cléopâtre en 1966 pour l’ouverture de la nouvelle salle du Lincoln Center.

 

L’époque devient plus confiante. Les livrets deviennent plus internationaux : Strindberg, Pirandello, Turgenev, Kafka… Avec Six Characters in Search of an Author de Weisgall, The Golem, Natalie Petrovna, Mourning Becomes Elektra, l’Amérique développe “a type of lyrical theater that could stand without apology yet in graceful acknowledgment of it’s predecessors in Europe”. C. Floyd.

La création américaine fait désormais honneur à son modèle européen.

 

Vanessa de Barber sur un livret de Menotti d’après Seven Gothic Tales de Isak Dinesen, ne situe pas pour une fois aux USA.  C’est un « melodramatic tale of dark passion and somber irony » où l’amour n’existe que comme compromis. Celui que l’on aime n’est jamais à l’image de celui que l’on attendait.

La création du Met est exceptionnellement luxueuse. Les diamants sont prêtés par un grand joaillier et le ténor est Nicolaï Gedda. L’œuvre accueillie avec délire, sera le premier opéra américain à avoir l’honneur d’être créé à Salzbourg.

Dimitri Mitropoulos, le chef, était admiratif de l'œuvre. Il en écrivit ensuite un éloge : « Qu'un compositeur ait eu le courage d'écrire ce style de musique tient du miracle... Barber n'a absolument pas subi la contamination des différentes expérimentations menées récemment dans l'univers de la musique... Vanessa est de bout en bout puissamment théâtrale, riche de surprises et de paroxysmes à l'orchestre, qui trouvent toujours leur correspondance sur scène, comme cela devrait être systématiquement le cas... Un grand opéra américain, enfin ! »


 

Antony et Cleopâtre, autre opéra de Barber, fut mis en scène de manière fastueuse par Zeffirelli pour l’inauguration du nouveau Met en 1966. Même si, après les grands péplums des années 40-50, le sujet commençait à passer de mode, l’orchestration particulièrement riche et variée en assura le succès.  

 


 

Dominick Argento (1927-2019) composera également dans un style plutôt classique plus propre à plaire au public qu’aux critiques : Casanova’s Homecoming, Miss Havisham’s Fire au NYCO en 1979, The Voyage of Edgar Allan Poe, Aspern Papers, The Boor, Postcard from Morocco…

« Je suis sans doute un traditionnaliste, dira-t-il. « En réalité, je ne suis pas sûr que l’évolution de l’opéra doive se faire avec un langage plus complexe, plus avant-gardiste. »« Les compositeurs que j’admire ont tous écrit de la musique pour toucher le public. »

« La voix n’est pas qu’un instrument. Elle EST l’instrument par excellence, l’instrument original, qui fait partie de l’interprète plus qu’elle ne lui est ajoutée. »

Son cycle From the Diary of Virginia Woolf lui a valu un Prix Pulitzer en 1975. Il a également remporté, en 2003, un Grammy Award pour la meilleure composition classique contemporaine, Casa Guidi.


 

Mourning Becomes Elektra (1967) fut la dernière œuvre américaine commissionnée par le Met avant un quart de siècle. C’est l’oeuvre la plus connue Marvin David Levy (1932-2015). Il avait déjà composé The Tower, un opéra biblique en un acte, révélant un réel talent dramatique.

Créé en 67 au Met sous la direction de Zubin Metha, avec Evelyn Lear, Sherrill Milnes, très lyrique, l’opéra reçut d’excellentes critiques. Notons d’ailleurs que dans les années 1950, de nombreux artistes de premier plan ont fait leurs débuts au Met : Leontyne Price, Joan Sutherland, Sherrill Milnes, Alfredo Kraus, Grace Bumbry, Pavarotti…


 

Entre opéra et « musical »

Pendant ce temps, dans les années 70-80, le grand chef d’orchestre Leonard Bernstein composait Candide et West Side Story.

Classé à tort comme “comédie musicale”, Candide est un opéra-comique créé en 1956, d’après Voltaire. L’oeuvre évoque Offenbach, Strauss, Gilbert et Sullivan, mais aussi Ambroise Thomas et Gounod.

L’influence du jazz y est absente mais on y retrouve des danses de tous les pays et de toutes les époques.  (tango, samba, valse, gavotte…) L’œuvre réclame des chanteurs aux fortes personnalités et dotés de voix solides. Composé dans les mêmes années que West Side Story, au début des années 50, Candide a été créé et d’emblée enregistré en 1956. Mais la production originale fut un échec public et Candide sans cesse retouché. La dernière version de la partition est publiée en 1994, prenant en compte les dernières volontés de Bernstein, dont témoigne l’enregistrement qu’il a lui-même dirigé en 1989.


 


 

West Side Story, rendu mondialement célèbre grâce au film, est une vraie « comédie musicale » (ce genre typiquement américain né à Broadway, appelé « musical »), destinée à être interprétée avec micro par des chanteurs-danseurs. Toutefois, Bernstein l’aurait volontiers vue interprétée avec des chanteurs lyriques dans les salles d’opéra, C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il en avait réalisé un enregistrement studio avec José Carreras et Kiri Te Kanawa. La vidéo réalisée de ces séances est d’ailleurs d'anthologie.


 

Stephan Sondheim écrivit quant à lui des comédies musicales qui se rapprochaient de l’opéra par leur richesse musicale et leur lyrisme :  Sweeney Todd (1979) et Sunday in the Park with George (1984).


 

Les « modernes »

Samuel Barber était considéré comme un conservateur dans la lignée de Strauss et Puccini. D’autres compositeurs comme Marvin Levy, Hugo Weisgall, Robert Kurka, New Rorem and Jack Beeson s’orientent vers une musique plus moderne dans la ligne de Berg, Janacek, Milhaud, Schönberg et Stravinsky.  Ils s’éloignent du néoromantisme en direction de la dissonance, le dodécaphonisme, la polytonalité et le chromatisme : Greatshot de William Bolcom (1966) s’inspire de Charles Ives, The Visitation de Schuller utilise une combinaison de sérialisme et de jazz pour transposer Le Procès de Kafka dans le monde du problème racial américain. Les thèmes des livrets deviennent plus philosophiques, s’interrogeant sur le fonctionnement des sentiments et de l’esprit.

A Full moon in March de Harbison (1979) s’inscrit dans la veine légendaire de Salomé et Turandot, avec danse de séduction autour d’une tête coupée à la fin… Une partition très sensuelle, exotique, asiatique de couleur, un opéra de chambre pour 4 personnages avec cordes, vents, percussions et un piano préparé et une recherche de sonorités originales.


The Cry of Clytemnestra de John Eaton (1935-2015) est un opéra de chambre en un acte avec quarts de tons et microtons destinés à illuster les “conflits psychologiques” et tons normaux pour désigner l’innocence et la pureté. Son Danton and Robespierre (1978) est particulièrement difficile à chanter avec toujours des quarts de tons…

 

Minimaliste et musique répétitive

La musique très « intellectuelle » des sérialistes lasse vite le public… aussi dans les années 70, les audiences des salles d’opéras se tournent elles volontiers vers les sons hypnotiques et moins complexes du minimalisme.

C’est Philip Glass (1937-) qui se fait le champion de ce nouveau courant. Que l’on parle de lui soit comme d’un « Messie musical », soit comme d’un « antéchrist du son », mais personne ne peut nier son influence fondamentale sur l’évolution de la musique américaine, classique, mais aussi rock et pop.

Il est en fait le reflet d’une époque turbulente, doutant du sérialisme laid et didactique. Il se rebelle contre l’atonalité, et surtout l’idée que la musique soit une entreprise intellectuelle : sa musique a un caractère plutôt hypnotique. 

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Avec Charles Ives et John Cage, Philip Glass est une des plus célèbres icônes de l’innovation américaine. Il fut suivi avec enthousiasme à la fois par les businessmen austères et les jeunes branchés de la contre-culture. On l’entend dans les salles de concert et les discothèques, dans les opéras et les arènes sportives. Ses nombreux enregistrements commerciaux ont atteint une audience bien plus large que n’importe quel autre compositeur classique américain. Einstein on the Beach a été vendu a plus de 100000 exemplaires depuis sa création. Beaucoup de ses œuvres sont été commissionnées par des pays étrangers.

Son style minimaliste et mystique se retrouve aussi dans la musique de films et la télévision, et il a inspiré de nombreux autres compositeurs tels que John Adams, Conrad Cummings (Tonkin) Alfred Schnittke…

 

Après des études musicales à la Julliard School puis avec Nadia Boulanger à Paris, Philip Glass a eu ensuite « la révélation » de la musique orientale, en particulier de son rythme. Sa fascination l’amène à faire des recherches musicales en Inde, en Afrique du Nord et dans l’Himalaya. De retour à New York à la fin des années 60, il applique ce qu’il a appris à ses propres compositions, commence à écrire pour la compagnie expérimentale qu’il a créée : The Philip Glass Ensemble, avec synthétiseurs, voix, saxophones et flûtes.

 

Son style souvent appelé « minimaliste » est basé sur ce qu’il appelle « additive process and cyclic structure ». Le rythme en est le principe organisateur. Des groupes de notes se répètent et grandissent dans un processus additif, alors que dans la musique occidentale, ce sont les thèmes contrastés qui fournissent des moments de tension et détente. Le rythme harmonique de cette musique minimaliste est très lent, les accords changent lentement autour du même centre tonal. La dissonance semble une chose du passé.

 

C’est son premier opéra, Einstein on the Beach, créé avec Robert Wilson qui l’a rendu mondialement célèbre. C’est le premier d’une série de portraits symboliques de personnalités ayant tenté de « changer le monde à travers le pouvoir des idées. » (Einstein on the Beach, Satyagraha et Akhnaten, 3 figures « héroïques » de la science, la politique et la religion).

 

Einstein on the Beach est une œuvre abstraite qui combine musique, danse, texte parlé, pantomimes mystiques. Il n’y a pas d’histoire mais des images d’Einstein qui apparaissent comme des métaphores.

Il y a aussi des références aux Beatles, aux mouvements féministes.

Pendant ce spectacle qui dure 5 heures, l’audience est encouragée à y voir ce qu’elle veut et à quitter et revenir dans la salle quand elle veut. 

Ce nouveau type de dramaturgie musicale est le reflet de l’esprit des années 70.


 


 

C’est Ghandi qui est ensuite mis en scène dans Satyagraha (1980) grand opéra choral avec des textes en sanskrit tirés de la Bhagavad-Gita.

 

Akhnaten, avec solistes et chœurs (not. un contre-ténor) donne l’occasion de mises en scène grandioses, sur un livret mêlant ancien égyptien, akkadian et hébreu.

 

Il composera aussi des opéras de chambre :  The Juniper Tree (1985)  sur un Conte de Grimm, The Fall of the House of Usher (1988) d’après Adgar allan Poe, et Orphée (1983) premier d’une trilogie basée sur les films de Cocteau. (La Belle et la Bête, Les Enfants terribles)


 

De tous les opéras, son plus ambitieux est the Voyage, une commande du Met pour célébrer les 500 de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Dans cet opéra en trois actes, le navigateur devient une métaphore universelle de la découverte, de cette impulsion, ce gène qui force les gens de quitter les lieux où ils se trouvent pour chercher quelque chose d’autre.

 

John Adams et Anthony Davis (X, The Life and Times of Malcolm X, 1986) se concentrent quant à eux sur des héros américains contemporains, dans une approche dramaturgique est plus traditionnelle. Leur utilisation du minimalisme diffère en outre de celle de Glass.

 

Nixon in China (1987) John Adams

C’est Peter Sellars, connu pour ses approches visuelles et dramatiques d’avant-garde en matière mise en scène, qui convainquit Adams de faire un opéra sur le président Nixon. Il était

Il estimait que la vision de Nixon en Chine en 72 avait un grand potentiel dramatique. Cela avait pour lui une « dimension, noble, héroïque, mythique ». Le livret sera réalisé par la poétesse Alice Goodman. Le résultat fut un « heroic opera for an unheroic age », avec un mélange de sérieux et de caricature.


 

The Death of Klinghoffer (1991), son second opéra, est très différent, mettant en scène des évènements tragiques, sans parodie. Basé sur l’histoire de la prise d'otage des passagers d’un navire de croisière par les terroristes du Front de libération de la Palestine, le livret considéré comme très pro-palestiniens a d’ailleurs suscité à l’époque de vives controverses

 

Vers le troisième millénaire

 

La création d’opéra est encore très riche aux Etats-Unis et dans des styles très divers. Ces œuvres, relativement accessibles, chantables, et splendidement mises en scène, ont l’avantage de ne rebuter ni les grandes stars de l’opéra ni le public.

Parmi les opéras marquants de ces dernières décennies : 

 

The Dangerous Liaisons de Conrad Susa (1935-2013), d’après Laclos, est créé en 1994 à San Francisco avec Thomas Hampson, Frederica von Stade, et Renée Fleming.

 

A Streetcar named Desire, composé par le chef d’orchestre André Prévin, sur un livret de Philip Littel d’après la pièce de Tennessee Williams, et créé à San Francisco en 1998 avec Renée Fleming. L’œuvre a connu un immense succès et est aujourd’hui un des opéras contemporains les plus joués.

A noter que Renée Fleming a également enregistré tout un disque d’airs d’opéra américains « I want Magic ».


 

Brokeback Mountain de Charles Wuorinen (1938-2020) tiré de la nouvelle éponyme de Annie Proulx est créé en 2014 au Teatro Real. C'était une commande de Gerard Mortier pour le New York City Opera, avant qu'il ne le quitte pour le Teatro Real de Madrid et n'y transfère cette production.


 


 

Jake Heggie (1961-) rencontre également un réel succès avec :

Dead Man Walking, basé sur le récit homonyme de Helen Prejean, mettant en scène un prisonnier dans le couloir de la mort, est créé à San Francisco en 2000 avec Susan Graham et Frederica von Stade. Les représentations y sont données à guichets fermés.


 

Son Moby-Dick, un opéra en deux actes, tiré du roman de Herman Melville, est également créé à Dallas 2010, dans une mise somptueuse utilisant de nombreux effets vidéo.


 

Le Metropolitan Opera n’hésite pas non plus à présenter chaque année au moins un opéra américain.

Parmi les succès les plus notables :

1991 : The Ghosts of Versailles de John Corigliano avec notamment Teresa Stratas.


1999 : The Great Gatsby de John Harbison, pour célébrer les 25 ans de James Levine au Met


2006 : The First Empereur de Tan Dun, avec Placido Domingo dans le rôle-titre.

 

 

2019 : Marnie de (2018), inspiré du thriller d‘Alfred Hitchcock, sur une musique minimaliste de Nico Mulhy

Pionnier des diffusions radio, vidéos, puis en direct dans les cinémas, le Met contribue à la diffusion de ces œuvres dans le monde entier « Live from the Met » (il y aura même deux créations en 2021-2022).


 

Ne disposant pas de subsides publics, comme en Europe, les salles américaines se doivent de présenter des œuvres qui restent accessibles à public large : dramatiquement bien construites sur des sujets intéressants et souvent tirés des grandes œuvres du passé, musicalement audibles et chantables et toujours mises en scène de manière somptueuse. C’est ce qui fait le succès de l’opéra américain actuel… et si les salles ont du mal à se remplir, c’est un problème plus général...

 

Julia Le Brun

 

 

Sources :

La source principale de cet article est le livre "American Opera" de Elise K.Kirk (En anglais.)

Autres sources :

http://usopera.com/

 

 

 



18/12/2021
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