Les grands choeurs d'opéra
Les grands chœurs d’opéra comptent parmi les morceaux les plus célèbres du répertoire lyrique. Qui n’a jamais entendu le chœur des esclaves de Nabucco, le chœur « des enclumes » du Trouvère, ou la marche nuptiale de Lohengrin, sans même souvent en connaître l’origine ?
A l’opéra, le chœur est souvent très impressionnant, car il réunit des dizaines parfois même plus d’une centaine de voix. Il peut prendre des formes extrêmement diverses et surtout jouer des rôles très différents.
Quoi de plus bouleversant que ces masses en action prêtes à prendre le pouvoir, ou plongées dans une intense prière, ces foules qui entonnent des chants guerriers, des hymnes triomphaux en l’honneur de leur patrie, de leur cause, de leur roi ou ces supplications intenses à l'attention de leur Dieu, ou de leur souverain ?
Qui sont ces choristes ? De gais lurons qui profitent de la vie, du bon vin, des plaisirs de l’amour et de la chasse, ou encore des séductrices voluptueuses, de chastes prêtresses, des furies infernales, des sorcières au Sabbath. A moins qu'ils ne se transforment en masses hargneuses et vindicatives ou des courtisans pervers.
Le chœur peut être un personnage important, même essentiel dans un opéra, notamment chez certains compositeurs qui ont marqué l’histoire du chœur d’opéra comme Wagner, Verdi, Moussorgsky…
Un peu d'histoire
Dans la haute Antiquité grecque, on parlait de chœur (du grec ancien Χορος, choros) pour désigner une danse de cérémonial ou un danseur cérémonieux. Puis, ce fut un petit groupe d'hommes masqués et chargés de commenter la dramaturgie dans l'orchestra du théâtre antique. Transféré à l'opéra à la Renaissance, avec apport de voix de femmes, le chœur ne prend tout d'abord que rarement part à l'action, se chargeant de l'illustrer et de la contraster.
Au cours du XVIIIe siècle, le chœur est de plus en plus intégré au drame, depuis les opéras de Lully, Rameau, puis Gluck et Mozart, jusqu'à l'opéra du XIXe siècle où les chœurs entrent en discussion avec les solistes et prennent leur parti dans les différentes situations, faisant souvent progresser l'action.
La place du chœur sur scène va également changer : on lui demande de plus en plus de jouer, d’évoluer, d’interagir avec les solistes. Les personnages du chœur s’individualisent. De petits rôles sont aussi parfois attribués à un ou plusieurs choristes.
Dans certaines œuvres, le chœur est omniprésent et un personnage à part entière de l’action (Moise de Rossini, Boris Godounov, ou encore Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, le peuple de Pékin dans Turandot de Puccini…) Le chœur est également très présent dans le Grand Opéra français (Les Huguenots, Robert le Diable de Meyerbeer, La Juive de Halévy…). Par contre, il est quasi inexistant dans l’opera seria baroque, ou chez Richard Strauss par exemple, et de manière générale chez les compositeurs privilégiant des sujets intimistes. Il est toutefois rare qu’il n’y ait absolument aucun chœur dans un opéra, à l’exception de l’opera seria, ou d’œuvres dites « de chambre » comme Le Tour d’Ecrou (1954) de Benjamin Britten.
Les différentes structures musicales :
- Un chœur désigne tout d'abord un ensemble musical, de nature exclusivement vocale, dont les membres, appelés choristes, chantent collectivement les différentes parties musicales sous la direction d'un chef de chœur. S’il n’est pas accompagné par un piano ou un orchestre, on dit qu’il chante « a cappella ».
- Le chœur réunit plusieurs voix. Si elles chantent différentes mélodies en même temps, il est dit polyphonique (par opposition à homophonique). Il peut utiliser une ou plusieurs tessitures. Aujourd'hui, le chœur est habituellement divisé en quatre pupitres principaux (soprano, alto, ténor et basse), chaque pupitre comportant ses propres divisions. Le nombre de choristes dépend de l'envergure de l'œuvre ou de la situation donnée.
- Le chœur peut être massif (monophonique) tout le monde chantant en même temps les mêmes syllabes, comme dans le célèbre « Va pensiero » du Nabucco de Verdi, ou bien avec des jeux de réponse d’un pupitre à l’autre. Il est parfois entrecoupé de l’intervention de solistes et même entrer en dialogue et interagir avec eux (le chœur des Troyennes des Troyens, le chœur des cigarières dans Carmen.)
- Le chœur peut également être uniquement composé d’hommes (ex : les courtisans dans Rigoletto de Verdi qui est un opéra où il n’y a aucune femme choriste), de femmes, ou d’enfants (les chœurs d’enfants dans Carmen), et représenter un groupe particulier (social, ethnique, religieux : les courtisans, les prêtres, les hébreux, les prisonniers etc.).
- Il peut aussi représenter tout un peuple (les Hébreux que l’on retrouve souvent à l’opéra : Nabucco de Verdi, Samson Dalila de Saint-Saëns, Moise de Rossini, Moise et Aaron de Schönberg… ou bien le peuple russe chez Moussorgski) ou être divisé en plusieurs groupes sociaux (scène de l’Autodafé dans le Don Carlo de Verdi, ou scène du Triomphe de Aida…) avec des caractérisations musicales différentes, notamment chez Verdi (dès Nabucco, il propose une musique différente pour les Hébreux et les Babyloniens).
- Il peut arriver que le chœur chante en coulisses ou bien avec effet d’entrée-sortie comme dans « la marche des pèlerins » de Tannhaüser (Wagner) ou la marche nuptiale de Lohengrin (Wagner).
- Les compositeurs font parfois se confronter plusieurs chœurs (Huguenots contre Catholiques dans Les Huguenots de Meyerbeer, peuple contre religieux dans Aida et Don Carlo de Verdi, marins "vivants" contre marins "fantômes" dans Le HollandaisVolant de Wagner, Troyennes contre soldats grecs dans Les Troyens de Berlioz etc.).
- Le choeur est parfois utilisé comme un « instrument d’orchestre ». Certains compositeurs ont en effet eu l’idée d’utiliser l’original du timbre des voix « à bouche fermée » pour créer des ambiances musicales nouvelles (Verdi dans Rigoletto ou Puccini dans Madama Butterfly).
Ses rôles et actions dramatiques :
Le chœur peut être :
- Commentateur extérieur à l’action, du type « chœur grec », comme dans l’Orfeo (Monteverdi) ou Platée (Rameau).
- Suppliant : ce sont les lamentations des peuples opprimés (les Hébreux dans Nabucco et Samson et Dalila, le peuple russe chez Moussorgsky, les prisonniers dans Fidelio etc.)
- En prière : chœurs de prêtres, La Flûte Enchantée (Mozart), La Force du Destin (Verdi)… ou de prêtresses (Aida).
- Guerrier (peuple et prêtres dans Aida, les Gaulois dans Norma (Bellini), les Hébreux dans Samson et Dalila, les soldats dans Faust de Gounod…)
- Festif : chansons à boire (Otello, Le Hollandais Volant de Wagner…), chants d’allégresse, fêtes et orgies (chœurs des Bohémiennes dans La Traviata…),
- Joyeux et enthousiaste, en célébration d’un événement (concours de chant des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Wagner), scène de l’Autodafé dans Don Carlo, grande scène du triomphe dans Aida…)
- une foule cruelle et aveugle, avec des scènes de lynchage. Il peut représenter alors la communauté tout puissante liguée contre un individu ou une minorité (La Juive de Halévy, Turandot de Puccini, Peter Grimes de Britten)
- Un des personnages principaux prenant part à l’action et jouant un rôle dramatique majeur (Boris Godounov, Moussorgski, La Fanciulla del West, Puccini, les courtisans dans Rigoletto, Verdi).
Le chœur dans l’opéra baroque
- Dans L’Orfeo de Monteverdi (1607). Il tient le rôle du « chœur antique », extérieur à l’action. Le chœur est alors encore musicalement construit sur le modèle du madrigal de la Renaissance (polyphonique à 5 voix).
- Dans l’opera seria de Vivaldi, Haendel… le chœur est quasi inexistant. Il reste toutefois présent dans l’oratorio (œuvre lyrique sur un sujet religieux, sans mise en scène, ex : Theodora ou Le Messie de Haendel (1750))
- Dans la Tragédie en musique française :
- Chez Lully : importance de la danse mais aussi du chœur, sur une structure simple d’une puissante homophonie (une seule voix) pour donner une impression de noblesse et de grandeur. (ex : Atys, 1676).
- Chez Rameau - Exemple du chœur de Platée (1745) « Qu’elle est comique ». La construction musicale est polyphonique et beaucoup plus complexe que chez Lully. Le chœur maintient toujours une distance par rapport à l’action mais intervient de plus en plus : les solistes sont conscients de sa présence. Dans un autre passage, il répond également aux solistes. C’est exceptionnel pour l’époque.
Le chœur à la période classique
- Chez Gluck - Exemple d’Orphée et Eurydice (1762). Le chœur des Furies.
Le chœur reprend la structure close du chœur antique mais il interagit de plus en plus avec les solistes. Il est de moins en moins statique et évolue en fonction des paroles d’Orphée. C’est le premier exemple d’un réel dialogue entre un chœur et un soliste.
- Chez Mozart :
La structure musicale est toujours close, le chœur n’intervenant pas encore vraiment dans l’action. Toutefois, chez Mozart, le chœur est pour la première fois défini comme classe sociale : dans Les Noces de Figaro ou Don Giovanni ce sont les paysans, qui s’opposent au Comte et au Seigneur. Le chœur commence ainsi à prendre une identité réelle. Le peuple prend peu à peu un visage avant de devenir un vrai personnage au XIXème siècle.
La Flûte Enchantée (1791) – Chœur des prêtres - « O Isis und Osiris »
C’est une prière hiératique, d’une grande noblesse en structure close. Les prêtres sont un personnage à part entière de l’action de La Flûte Enchantée.
Ludwig van Beethoven
Beethoven fut le premier compositeur à introduire un chœur dans une symphonie, témoignage de l’intérêt qu’il portait aux masses chorales. Ce sera le fameux « Hymne à la Joie » du dernier mouvement de sa Symphonie n°9.
Les chœurs ont une place importante dans son unique opéra, Fidelio (1814). Ceux du dernier acte annoncent déjà la musique de l’Hymne à la Joie. Mais le chœur le plus célèbre est celui des prisonniers, à l’acte I. Il a marqué l’histoire du chœur d’opéra, car il représente pour la première fois un groupe social particulier d’où des individus commencent à se détacher. C’est également la première fois que l’on met en scène des prisonniers politiques ainsi qu’une illustration puissante des idéaux de liberté de Beethoven en ce début de XIXe siècle.
Quant au final de Fidelio, il s'agit d'un ensemble (avec choeurs et solistes), qui annonce fortement l'Hymne à Joie de la 9ème !
Le chœur au temps du bel canto italien
Dans l’opera buffa de Rossini qui domine l’opéra italien du début du XIXe siècle (Le Barbier de Séville, La Cenerentola), le chœur est surtout utilisé dans les finals (final de acte I et final de l’opéra) comme accompagnement des solistes, ou bien pour commenter et donner plus de dynamisme aux « cabalettes » (deuxième partie rapide des grands airs de solistes.) Ils ont une importance plus musicale que dramatique. (Par contre, Rossini composera aussi des "opéras de choeurs" comme son célèbre Moise, ou encore Guillaume Tell).
Dans le bel canto romantique (Bellini, Donizetti), le chœur peut aussi prendre la forme d’un morceau clôt et massif, avec les belles et longues lignes mélodiques caractéristiques de ces compositeurs, au milieu duquel les solistes interviennent parfois. C’est le cas du très noble chœur des invités de Lucia di Lammermoor (1835), une longue et superbe déploration de l’assistance, digne et pathétique. (Il viennent d'apprendre que Lucia a tué son mari pendant sa nuit de noce et craignent que la colère du Ciel ne retombent sur eux.)
Dans Norma (1831) de Bellini, la chœur a déjà acquis un statut de « peuple » menaçant et aspirant à l’indépendance : ce sont les Gaulois prêts à se rebeller contre les Romains (uniquement solistes). Bellini met aussi en place une réelle interaction entre la masse des Gaulois et leur grande prêtresse Norma.
Choeur guerrier "Guerra" (Norma a été trompée par son amant Romain, et espère donc être vengée par les armées gauloises.)
Les chœurs de Verdi
Les chœurs le Verdi comptent parmi les plus beaux de l’histoire de l’opéra. Verdi était appelé « maestro del coro ».
Le "Va pensiero" de Nabucco (1842) est devenu l’emblème du chœur « peuple » mettant en scène les Hébreux en exil à Babylone.
Nabucco est d'ailleurs un des seuls opéras où le morceau le plus connu est un chœur. Il inaugure une série de chœurs patriotiques.
Dans Nabucco, les chœurs ont différentes personnalités, différentes musiques, selon que ce sont des prêtres, des femmes, des guerriers. On retrouvera cela dans plusieurs opéras de Verdi. C’est avec Nabucco, créé le 9 mars 1842 à la Scala que Verdi commence réellement sa carrière. Ce soir-là, les premières manifestations furent d’une telle puissance que Verdi crut d’abord au déchaînement d’une cabale avant de réaliser que c’était l’enthousiasme qui faisait trépigner la foule en délire. « Va pensiero », bissé à la première, (et également lors de la représentation d’ouverture de la Scala en décembre 2015) est devenu une sorte de second hymne national. Le public de La Scala est toujours transporté à l’écoute de ce chœur.
Les autres chœurs « risorgimentistes » :
- Le 1er février 1843, à la Scala, création d’I lombardi alla Prima Crociata avec le chœur « O Signore dal tetto natio ». Les Croisés accablés qui marchent dans le désert se souviennent de leur pays et des lacs de Lombardie. C’est un nouveau succès qui cette fois-ci met en scène les ancêtres des spectateurs (ce qui crée moins de distanciation qu’avec les Hébreux !). Il s’agit de toucher la fibre du peuple italien en lui rappelant sa splendeur passée.
Ernani (1844)
Acte III : Chœur de la Ligue « Si ridesta il Leone di Castiglia ». ("Que se réveille le Lion de Castille"... A l'époque de Verdi, les choristes substitueront parfois le mot « Venezia », le public entonnant alors avec eux des bis vigoureux aux allures de manifestations anti-autrichiennes.
Après sa période « patriotique », Verdi continuera à écrire de grands chœurs, mais sous des formes plus variées :
- Chœur des gitans dit « des enclumes », Le Trouvère, impressionnant par l'impression d'énergie brute qu'il dégage.
- Chœurs des sorcières de Macbeth (3 groupes de femmes pour représenter les 3 sorcières)
Rencontre et "discussion" entre sorcières au premier acte :
Cuisine magique à l'acte III
- Original également, un autre type de choeurs, ceux des "conspirateurs", murmuré, mystérieux, souvent exclusivement masculins. Le plus célèbre est celui des courtisans, qui, de nuit, viennent enlever la fille de Rigoletto.
Vous connaissez certainement les célèbres chœurs des bohémiennes et des toréadors de La Traviata : c'est le type même du chœur d’agrément au caractère festif... même si la symbolique du taureau immolé dans l'arène n'est pas sans rappeler l'histoire de la malheureuse Violetta.
Le grand chœur triomphal d'Aida (1870) « Gloire à l’Egypte », est immensément célèbre... du fait notamment de ses fameuses trompettes. Il fut même à une époque l’hymne national égyptien. Vous remarquerez que Verdi y fait dialoguer plusieurs choeurs : le choeur massif du peuple, celui plus gracieux des jeunes filles et, celui, effrayant des prêtres.
Autre chœur construit sur le même modèle : l’autodafé dans Don Carlo, mettant en scène le peuple et les Inquisiteurs.
Le chœur dans l’opéra allemand
On considère Carl Maria von Weber comme le fondateur de l’opéra romantique allemand. Célèbre surtout pour son opéra Der Freischütz (1821), il reste devant l’histoire l’homme qui a libéré le lyrisme allemand d’une tutelle italienne à laquelle même Mozart s’était soumis. Inspiré de vieilles légendes germaniques, Der Freischütz est le premier opéra totalement germanique et fera figure de modèle pour presque tous les compositeurs du XIXè siècle.
Le Chœur des chasseurs du Freischütz met en scène des classes populaires et consacre un retour au folklore typique du romantisme allemand.
Les chœurs de Wagner
Les chœurs de Wagner comptent parmi les plus impressionnants, les plus célèbres et les plus diversifiés du répertoire lyrique. Certains sont particulièrement grandioses, comme le chœur des invités de Tannhäuser, les chœur des Meistersinger, les chœurs des chevaliers dans Parsifal…
Chez Wagner, l’art lyrique revêt une dimension sociale : il doit être l’occasion d’une communion artistique de toutes les classes sociales. C‘est ce que symbolise la grande scène du IIIème acte des Maîtres Chanteurs (1867), alors que toute la ville de Nuremberg se réunit pour le grand concours de chant : cortège des corporations et choral « Wach auf ! » (Die Meitersinger, acte III)
Les chœurs de Wagner revêtent souvent une dimension festive : écoutez le chant joyeux des marins dans Le Hollandais volant (Der fliegende Holländer) avec effet de dialogue entre plusieurs chœurs : deux chœurs d’hommes et un chœur de femmes.
Les marins norvégiens célèbrent leur retour au port avec leurs femmes qui leur apportent à manger et à boire... à condition qu'ils en laissent un peu pour leurs hôtes, marins d'un vaisseau hollandais arrivés au port avec eux. Mais le bateau étranger reste étonnement silencieux... pour la bonne raison qu'il s'agit d'un équipage fantôme qui n'a que faire du boire et du manger. Par contre, il ne faut pas trop les provoquer au risque de réveiller les morts....
Dans Tannhaüser, le Landgrave de Thuringe a réuni de nombreux invités de haut rang pour son nouveau concours de chant et ceux-ci le remercient chaleureusement de son accueil. (Au passage, pour ceux que cela choque, on retrouve souvent le fameux "Heil" dans les choeurs wagnériens. Il signifie tout simplement "Salut" ou "Gloire à toi"... comme le "Hail" anglais.)
C’est avec Tannhaüser que Wagner s’affranchit pour la première fois des modèles italien ou français, puisant dans le vivier des légendes germaniques et repensant radicalement la nature même du théâtre lyrique. Le chœur des pèlerins de Tannhaüser est une prière ample et noble. Les pèlerins de retour de Rome commencent à chanter en coulisses, arrivant progressivement sur scène, créant un effet mécanique de crescendo particulièrement réussi. Ce chœur est d’autant plus impressionnant que son thème a été annoncé dès le début de l’ouverture de l’opéra.
Wagner sait aussi composer des chœurs particulièrement délicats :
Chœur des fileuses du Hollandais Volant (une chanson populaire), imitant le bruit du rouet.
Marche nuptiale de Lohengrin.
Vous la connaissez, mais saviez-vous qu'elle était de Wagner ?
Un dernier choeur de Wagner... celui des Chevaliers du Graal dans l'acte III son ultime opéra, Parsifal, noble, hiératique, terrifiant par ses sombres harmonies. Les Chevaliers se lamentent sur la mort de leur vieux roi Titurel.
L’opéra russe
Les choeurs sont très importants pour ces compositeurs qui apprécient les scènes de foules impliquant divers aspects du peuple russe.
Moussorgski – Boris Godounov (1872)
Avec Moussorgski et son Boris Godounov, le chœur acquiert un nouveau statut. Le musicien lui accorde un rôle à part entière et une place hors norme dans la dramaturgie. Il devient un personnage à lui seul : on dit toujours que le personnage principal de Boris Godounov, c’est le peuple russe. C’est une puissance massive et complexe avec laquelle il faut compter. Le chœur est constitué de groupes d’individus qui se répondent mais aussi d’individualités propres qui se mêlent aux solistes (Puccini reprendra le même principe dans La Fanciulla del West).
Une des scènes les plus célèbres reste celle du Couronnement de Boris (reprenant un chant traditionnel russe).
Autre choeur russe célèbre, avec ballet : les "Danses polovtsiennes" du Prince Igor de Borodin.
Le chœur dans l’opéra français
Aida et Don Carlo sont construits sur le modèle de ce que l'on appelle le Grand Opéra français, où le chœur prend une place importante. C'est un genre, qui, né dans les années 1830 met l'accent sur le spectaculaire, l'importance des effets scéniques et met en scène de grands conflits historiques, à la fois privés et publics.
Voyez le grand Choeur des Huguenots de Meyerbeer dit de "La Bénédiction des poignards" (Petite réunion entre amis en préparation du massacre de la Saint-Barthélémy...) qui avait fortement marqué les esprits en son temps. (Il faut savoir que Les Huguenots de Meyerbeer a été une des oeuvres les plus jouées au XIXe siècle)
Le chœur est également omniprésent chez Hector Berlioz, et notamment dans « Les Troyens » où les peuples troyens et carthaginois jouent des rôles essentiels.
Voici par exemple le Chœur des Troyennes ((1858) final des Troyens à Carthage). Troie brûle, et les Troyennes, entraînées par la princesse Cassandre, décident de se suicider plutôt que d'être faites prisonnières par les Grecs. (Certaines, les plus jeunes, refusent toutefois...)
Les groupes de femmes dialoguent avec la soliste Cassandre, mais aussi entre elles et avec le cœur d’hommes des Grecs.
Nous retrouvons également cette idée de "choeur peuple" dans Samson et Dalila de Saint-Saëns, mettant en scène une fois de plus les Hébreux, ici soumis à l'oppression des Philistins. C'est un des personnages essentiels de l'action. Toute la première partie du premier acte est consacrée aux lamentations du peuple hébreux, dont l'esprit guerrier va être éveillé par le vigoureux Samson, qui sous l'effet d'une illumination divine, les incite à briser leurs chaînes.
Plus tard, alors que Samson, qui les a trahis involontairement en cédant à Dalila est brisé, aveuglé, enchaîné, on entend encore en coulisses le terrible choeur l'accuser du nouvel emprisonnement des Hébreux.
On trouve également de splendides choeurs dans La Damnation de Faust de Berlioz.
Faust erre dans des contrées diverses. Il y croise des guerriers... ou des étudiants qui chantent leurs exploits sexuels en latin...
J'aime beaucoup également le choeur des ciseleurs, les assistants de Benvenuto Cellini (Berlioz)
Les compositeurs français les plus célèbres, Gounod, Bizet puis Massenet ne se sont pas spécialisés dans le Grand Opéra mais plutôt dans ce que l’on a appelé le drame lyrique, et l’opéra-comique, représentés au Théâtre Lyrique et à l’Opéra Comique. Les grands chefs-d’œuvre de l’opéra français relèvent plutôt de ces deux genres, notamment Faust et Carmen.
Dans l’acte I de Faust, Gounod s’amuse avec plusieurs groupes de choristes qui se répondent (bourgeois, jeunes hommes, jeunes femmes, rombières…) .
Gounod a également composé (entre autres) pour cet opéra le célèbre chœur guerrier « Gloire immortelle de nos aïeux » assez massif mais particulièrement marquant, célébrant le retour des soldats.
Avec le chœur des cigarières (Carmen, 1875), Georges Bizet révolutionne de son côté la place scénique du chœur en obligeant les choristes à évoluer de manière individuelle et à interagir. A l’époque cela n’alla pas sans heurts, les choristes étant habitués à rester groupés et statiques. Sans parler du fait qu’on demandait aux femmes de fumer sur scène et d’aguicher les hommes !
Vous connaissez sans doute moins ce choeur qui ouvre l'acte IV de Carmen. Le peuple de Séville, dans toute sa diversité (hommes, femmes, enfants, petits solistes), se presse pour assister à la corrida. C'est une scène de foule particulièrement bien rendue.
Verismo
Le mouvement vériste italien de la fin du siècle se donne pour mission de montrer la vie des gens modestes sans l'embellir ni la romancer. Les compositeurs ont donc l'occasion (et l'obligation) de mettre en scène diverses communautés, illustrant leur vie de tous les jours, ou bien à l'occasion d'évènement spéciaux.
C'est par exemple ce que fait brillamment Mascagni dans son Cavalleria Rusticana.
L'action se situe dans un petit village de Sicile. Le rideau se lève sur les villageois et villageoises heureux de cesser le travail des champs pour fêter Pâques, au son des cloches. L'ambiance est sereine, hommes et femmes sont heureux de se retrouver.
Giacomo Puccini
Chez Puccini, et notamment dans La Bohème (1896) et surtout La Fanciulla del West (1910), le chœur est un personnage essentiel de l’action, au même niveau que les solistes. On demande à tous les choristes de jouer de manière individuelle. Ce chœur est d’ailleurs également aussi composé de petits solistes.Nous sommes en Californie, à l'époque de la ruée vers l'or. Tous les chercheurs d'or se retrouvent dans le saloon du camp. Alors qu'un musicien ambulant entonne une chanson nostalgique, ils sont tous pris d'une intense tristesse et de l'envie de revoir leurs maisons et leurs familles.
En ce début de siècle, on recherche de nouvelles harmonies, de nouvelles ambiances, de nouveaux effets. Puccini a aussi l’idée d’utiliser le chœur comme un instrument : c’est le chœur à bouche fermée de Madame Butterfly, à la tonalité impressionniste qui n’est pas sans rappeler Debussy.
Au XXe siècle, le chœur n’est plus un groupe social opprimé qui aspire à l’indépendance ou à la liberté, c’est plutôt une masse brutale, changeante et cruelle. Ce sera en particulier le cas dans Turandot (1924), (encore un grand « opéra de chœurs ») où le peuple chinois omniprésent, violent et versatile, réclame du sang, pour ensuite s’apitoyer sur les victimes.
Peter Grimes (1945) de Benjamin Britten est un des rares opéras du XXème siècle de structure traditionnelle (et également un des rares opéras anglais, avec Didon et Enée de Purcell au XVIIe siècle !).
L’action se situe dans un bourg de pêcheurs en Angleterre au début du XIXème siècle. C’est une œuvre qui jette une lumière crue sur la violence des préjugés sociaux à l’endroit de tout ce qui échappe à la norme. Le chœur, est ici la voix d’une communauté sûre de son bon droit, d’une rare cruauté et prête à lyncher celui qui est différent et ne parvient pas à s’intégrer.
J'espère que cet aperçu de la richesse et de la diversité des choeurs du répertoire d'opéra vous donnera envie d'en écouter encore plus... car ce n'est qu'une toute petite sélection... et encore je n'ai abordé ici que l'opéra, car les choeurs sont bien entendu bien plus importants dans le répertoire religieux et mais c'est un autre sujet.
Maintenant, vous n'avez plus qu'à vous inscrire à la chorale la plus proche, si ce n'est pas déjà fait !
Julia
Discographie
Il existe dans le commerce de nombreuses compilations de chœurs d’opéras célèbres dont voici une sélection :
Verdi : grands chœurs d’opéra, dirigé par Claudio Abbado, chez Deutsche Grammophon
Wagner : chœurs célèbres d’opéras – Collection du Millénaire.
Les choeurs de légende, coffret Sony Classical 3 CD.
Les 50 Plus Grands Succès : Grands choeurs (Coffret 3 CD) Compilation
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