L’opéra, un remède aux risques psychosociaux
"Nous voyons ces mêmes personnes quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l’âme hors d’elle-même, remises d’aplomb, comme si elles avaient pris un remède ou une purgation" Aristote, La Politique.
Les risques psychosociaux constituent aujourd’hui une priorité pour les acteurs publics et les entreprises. Un accord national interprofessionnel sur le stress au travail a d’ailleurs été signé en 2008 par les partenaires sociaux.
Mais comment donc la musique classique, et en particulier l’opéra, peuvent ils jouer un rôle dans la lutte contre les problèmes psychiques liés à la vie professionnelle dans la société contemporaine ? Voici quelques pistes de réflexion.
Qu’est-ce que les RPS ?
Les risques sociaux peuvent être définis comme « l’ensemble des contraintes psychologiques, sociales et relationnelles dérivées de l’organisation du travail »
Le monde du travail soumet les dirigeants et salariés à des contraintes importantes, et à des tensions relationnelles alimentées par les difficultés du travail. C’est une problématique très complexe, mais une chose est sûre, les données recueillies par les organismes spécialisés révèlent une hausse croissance des pathologies psychiques liées au travail. La « souffrance au travail » semble se développer au sein des entreprises, et parallèlement la sensibilisation des managers à la « gestion du stress ».
Selon les documents publiés sur le site du Ministère du travail [1], les risques psychosociaux sont de natures variées : stress, mais aussi violences internes et externes. Les accords conclus à l’unanimité par les partenaires sociaux en matière de stress (juillet 2008) permettent de s’appuyer sur des définitions relativement consensuelles.
On distingue 4 familles de facteurs de risques :
- Les exigences du travail et de son organisation : développement de l’autonomie, exigences de qualité et de délai, de concentration.
- La nature des relations sociales entre collègues et avec les supérieurs : les changements du travail conduisent à une individualisation des emplois, un isolement des salariés et d’importants problèmes de communication.
- La prise en compte des attentes des salariés : développement des compétences et équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
- Les changements du monde du travail, nouvelles technologies, restructurations etc.
Le stress est une des formes les plus connues de ces risques psychosociaux.
C’est un phénomène complexe. Il existe 2 formes de stress :
- Le stress aigu : faire face à un événement ponctuel
- Le stress chronique qui, lui, a des effets délétères sur la santé des salariés et le fonctionnement de l’entreprise.
Le stress peut potentiellement affecter tout lieu de travail et tout travailleur.
Même si le stress intègre des facteurs émotionnels et donc subjectifs, les pathologies et réactions biologiques liées au stress sont scientifiquement reconnues.
En effet, le stress est une réponse de l’organisme à une menace ou à une situation contraignante. L’individu réagit par une modification des sécrétions hormonales.[2] Nous verrons que la musique classique peut aider notamment à inverser ce phénomène.
Par conséquent :
- Le stress a un impact reconnu sur la santé physique et mentale. Le stress peut causer de nombreux problèmes physiques, notamment être à l’origine de maladies cardiovasculaires.
- Le stress a un impact sur l’entreprise : absentéisme, taux élevé de rotation du personnel, dégradation du climat social.
L’apport de la musique classique
- La musique classique améliore les performances cognitives.
Les études montrent que « l’écoute musicale d’une musique que l’on apprécie ouvre nos capacités cérébrales sur le court terme »
Mais les neurosciences ont également démontré que l’écoute de la musique a une action durable sur les performances intellectuelles. Cela semble particulièrement vrai pour la musique classique puisque l’on parle notamment depuis vingt ans de « l’Effet Mozart », une découverte de neuroscientifiques américains, selon laquelle l’écoute de la musique de Mozart rendrait littéralement « plus intelligent ».
Le fait est que les neurosciences ont déterminé que la musique, et en particulier la musique classique, plus complexe et plus élaborée, n’est pas un art comme les autres.
Elle agit comme un neurostimulateur et permet de favoriser les connexions dans différentes zones cérébrales. Elle « orchestre » l’activité des circuits corticaux, ce qui permet le développement et le maintien des capacités cognitives.
- La musique classique permet de lutter contre le stress :
L’imagerie médicale a également démontré que la musique pouvait apaiser les zones activées par les émotions négatives. Les expériences montrent en outre que l’écoute de musiques relaxantes (techno à éviter) diminue la concentration de l’hormone du stress dans le sang.
- La musique améliore la cohésion sociale
La musique a un impact profond sur l’humain, de manière universelle, quelles que soient les sociétés. Elle agit sur les états psychologiques, émotionnels et physiologiques. « La musique peut mettre à l’unisson émotionnel une foule entière. Ce pouvoir lui confère une force de cohésion sociale essentielle » (E. Bigand). Une même musique va susciter le même type d’émotion.
Les artistes de musique classique ou de variété, parlent souvent du plaisir qu’ils ont lorsqu’ils parviennent à focaliser l’attention de centaines voire de milliers de personnes et à les faire vibrer à l’unisson.
Et l’opéra dans tout cela ?
L'opéra apporte la puissance dramatique
Ecouter de la musique relaxante, et notamment du Mozart et de la musique classique a beaucoup d’atouts. Toutefois, il ne suffit pas toujours de mettre un CD d’une symphonie de Mozart pour que la magie opère.
Le principal enjeu reste de parvenir à « déconnecter le mental » qui pense toujours au travail, aux problèmes à résoudre. Il faut réussir à «faire cesser son dialogue intérieur».
L’opéra n’est pas une musique comme les autres. En plus des effets bénéfiques inhérents à la musique classique, l’opéra fait appel à la puissance expressive de la voix humaine et met en scène des histoires, des situations dramatiques fortes, sublimées par la musique.
L’opéra permet de s’immerger totalement dans un univers visuel et sonore riche et captivant et à aider ainsi le mental à lâcher prise.
Aristote ne disait pas autre chose dans sa « Politique », au 4ème siècle avant Jésus-Christ: « Nous voyons ces mêmes personnes quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l’âme hors d’elle-même, remises d’aplomb, comme si elles avaient pris un remède ou une purgation »
L’art dramatique, la catharsis et la purification de l’âme
C’est dans ce même texte que le penseur grec développe également la notion de catharsis :
La catharsis [3] pour les Grecs anciens, est l’épuration des passions par le moyen de la représentation dramatique. La représentation permet la mise à distance, l’objectivation des émotions. Or, le drame antique, incluant des passages musicaux, est considéré d’une certaine manière comme l’ancêtre de l’opéra.
L’opéra permet donc de ressentir des émotions, amour, peur, angoisse, jalousie etc., tout en prenant une distance avec elles, distance créée par le dispositif scénique. L’opéra offre ainsi une représentation esthétisée des émotions. Elles sont simplifiées, réduites à leur essence, purifiées et amplifiées par la musique.
Aller à l’opéra ou écouter de l’opéra permet le défoulement et l’expression des émotions refoulées et donc de réduire la tension psychique qui génère le stress.
Au final, la musique classique et son expression dramatique, l’opéra, peuvent contribuer à la lutte contre le développement de certains risques psychosociaux, notamment :
- Les exigences croissantes du travail, en améliorant la capacité de concentration et le potentiel intellectuel.
- Les problèmes de relations sociales, en aidant à créer une cohésion de groupe à travers le partage d’émotions communes
- Les besoins de formation des salariés en leur offrant une ouverture culturelle enrichissante et la découverte de nouveaux horizons.
L’opéra agit comme remède au risque le plus connu : le stress au travail. Il permet de canaliser le émotions et angoisses, et surtout, de « se déconnecter », prendre du recul par rapport aux problèmes professionnels. Ainsi, nous pouvons aborder d’un œil nouveau les situations complexes auxquelles chacun est chaque jour confronté dans nos sociétés contemporaines.
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