Le Voyage Lyrique - Découverte de l'opéra

Le Voyage Lyrique - Découverte de  l'opéra

Les plus beaux duos d'amour de l'opéra

A l'opéra, il est une chose que le spectateur attend toujours avec impatience : le grand duo d’amour. Tous les compositeurs d’opéra ont dû se soumettre à la tâche ardue de mettre en scène la passion, les élans amoureux, les coups de foudre, les actions de séduction de toutes sortes, les échanges de vœux, les harcèlements sexuels, les regards appuyés, voire les nuits de noces.

Voici quelques-uns des plus beaux duos d’amour et de séduction du répertoire lyrique : 

 

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Nuits de Noces

Roméo et Juliette (1867)– Charles Gounod - « Nuit d’hyménée»

On ne peut pas manquer de citer pour commencer les plus célèbres amants de la culture européenne. L'opéra de Charles Gounod est avant tout une succession de splendides duos d'amour. Voici celui qui suit la nuit de noces. Nos deux amoureux ont été mariés en secret par Frère Laurent et Roméo s'est subrepticement glissé dans la chambre de sa Juliette en passant par le balcon. Mais le chant de l'alouette annonce le lever du jour et Roméo doit s'enfuir, car il a été banni de Vérone, pour avoir tué Tybalt, le cousin de Juliette. S'il est surpris dans Vérone après le lever du jour, il sera exécuté. Il a pourtant bien du mal à quitter les bras de sa Juliette. 


 

Autre splendide duo de Roméo et Juliette (avant la nuit de noces !), le célèbre "duo du balcon". Roméo a rencontré Juliette au bal, et s'est introduit dans le jardin des Capulets pour essayer de lui parler. Juliette est sérieuse, lui passionné, et tout se finit par d'ardents serments d'amour, murmurés dans la nuit douce de l'Italie. 

Madama Butterfly (1904) – Giacomo Puccini - Final de l'acte I - "Vogliatemi bene".

Le beau marin américain Pinkerton (ténor) s’est offert une petite distraction pour son séjour au Japon : on lui a offert une charmante petite geisha, Cio Cio San, dite Madame Butterfly (soprano) qu’il peut épouser selon un contrat semblable à celui de la location de sa maison, c’est-à-dire révocable à tout moment. Mais Cio-Cio-San prend la chose au sérieux et tombe folle amoureuse de l’Américain. Elle est tellement charmante que pendant la nuit de noces, Pinkerton lui-même tombe sous le charme de la petite japonaise, aussi gracieuse et réservée qu’il est passionné et expansif.

Voici un extrait du film de Frédéric Mitterrand : 

Otello (1887) - G. Verdi - "Gia nella notte densa"

Othello, général maure de la République de Venise, est arrivé sur l'île de Chypre dont il doit être le gouverneur. Il y retrouve la femme qu'il vient d'épouser, la belle vénitienne Desdémone, qu'il aime passionnément et dont il est profondément aimé en retour. C'est (a priori) leur première nuit d'amour. Otello est heureux mais pas totalement serein : tout cela est trop beau pour être vrai. L'orchestre, doux et discret, crée une ambiance de nuit chaude à Chypre et Vénus resplendit : laissez-vous bercer par les belles voix chaleureuses de Domingo et Netrebko :


 

Voici une version mise en scène, encore avec Placido Domingo (mais 40 ans avant !). C'est un des plus grands Otello du XXème siècle, ici avec l'exceptionnelle Mirella Freni. 

 


Lohengrin (1850) - R. Wagner - "Das susse Lied verhallt".

Toutes les nuits de noces ne se passent pas toujours aussi bien : dans Lucia di Lammermoor de Donizetti, la jeune femme mariée de force tue son mari...

Ayons ici une pensée pour le pauvre Lohengrin (ténor), qui aurait bien fait autre chose de sa nuit de noces que de discuter avec sa femme hystérique Elsa (soprano) et la dissuader de poser les questions interdites. Lohengrin, arrivé miraculeusement dans une barque tirée par un cygne, est un chevalier du Graal, mais il n'a pas le droit de le dire. Il est venu pour sauver Elsa, faussement accusée du meurtre de son frère, et il propose même de l'épouser... à la seule condition qu'elle ne lui demande jamais qui il est et d'où il vient. Ce sera évidemment la seule chose que sa femme va avoir en tête pendant toute la nuit de noces, qui se finit en fiasco total. 

Ce duo, qui constitue toute la première partie de l'acte III, est une merveille de poésie et de lyrisme. Lohengrin déploie toute sa force de conviction et tous ses talents de ténor lyrique pour convaincre Elsa. En vain, il est trop beau, trop parfait, elle n'y croit pas. 

Voici le duo sous-titré, dans la production  très controversée de Claus Guth (ils ne sont pas dans leur chambre, mais au bord du marais où le frère d'Elsa a disparu).

 

Le Couronnement de Poppée (1642), Monteverdi, final  "Pur ti miro" 

Voici un extrait d'un des premiers opéras du répertoire lyrique. 

Poppée est enfin parvenue à se débarrasser de sa rivale Ottavia, épouse de celui qu'elle aime, l'Empereur Néron.

Ottavia exilée, les deux toutereaux peuvent enfin roucouler tranquillement. 

 

Giulio Cesare, Haendel, final

Encore un opéra de la période baroque, avec un amoureux contre-ténor. Cette fois-ci il s'agit de ce qu'on appelle un opera seria.

Après bien des déboires, Jules César, arrivé en Egypte, a réussi à se débarrasser du frère encombrant de Cléopâtre qu'il couronne reine d'Egypte et dont il est tombé follement amoureux. 

Céder à la passion

Siegfried (1876) – Richard Wagner - final

Les amours chastes ne sont pas particulièrement du goût de Wagner, c'est une sensualité exacerbée que l'on retrouve dans plusieurs extraits wagnériens. Prenons la Tétralogie par exemple. Dans La Walkyrie, Siegmund et Sieglinde, les enfants jumeaux de Wotan, ont été séparés à la naissance et soumis à d’horribles souffrances. Ils finissent par se retrouver et vivent les premiers instants heureux de leur existence, en tombant passionnant amoureux l’un de l’autre, et en décidant de s’enfuir de la maison hostile du mari de Sieglinde. De cette union bien fugitive, naîtra un fils, Siegfried (ténor), qui sera destiné à épouser… sa tante, la walkyrie Brunnhilde (soprano), endormie sur un rocher entouré de flammes, le temps qu’il grandisse suffisamment pour traverser la fournaise. L’adolescent ne connaît pas la peur : même le Dragon Fafner ne l’a pas impressionné… seule la vue de la première femme de sa vie réussira à l’effrayer. Mais sûr, il saura surmonter ce sentiment nouveau qui se transforme rapidement en une passion dévorante. Quant à Brunnhilde, elle passe du statut de déesse vierge à celui de femme amoureuse, et perd du même coup sa sagesse omnisciente et ses pouvoirs, mais elle n’en a cure. 

 

Les Troyens – Hector Berlioz- 1863 - "Nuit d'ivresse"

Tout aussi passionné que Wagner, mais plus modéré dans son expression musicale, Hector Berlioz met également en scène deux êtres qui s’aiment tendrement et profondément : Didon, reine de Carthage et un héros Troyen, Enée. Mais cet amour est impossible car Enée est appelé par le destin à d'autres aventures, loin de Carthage : il doit partir en Italie pour fonder l'Empire romain (rien que cela), et la pensée de cette séparation inéluctable plane sur les deux amants. 

Amours interdites

Autre sujet fétiche des compositeurs : les amours interdites, souvent liées à la présence d'un mari dérangeant. Que  les amants cèdent ou pas à leurs penchants, cela se finit presque toujours en drame.

Tristan und Isolde – Richard Wagner – "O sinkt hernieder, Nacht der Liebe”

C'est sans doute le couple adultère le plus célèbre de la culture européenne. Wagner ,avec sa sensualité brûlante, fera du grand duo d'amour une des scènes les plus érotiques de tout le répertoire lyrique. A l’issue d’un immense (et très long) crescendo vocal et orchestral, nos héros sont littéralement submergés par des vagues musicales, des vagues de désir. Ils aspirent à ne devenir qu’un seul être et à se fondre dans le cosmos, une image qui amène Wagner à associer amour et mort, car seule la mort permettra d’éteindre le désir qui brûle en eux. C’est aussi la scène d’amour la plus cruellement interrompue de toute l’histoire de l’opéra, puisqu'ils seront surpris en flagrant délit par l'époux d'Isolde et ami de Tristan, le roi Marke. 

(NB : ce duo est si difficile à chanter qu’il ne faut pas vous attendre à un jeu d’acteur de grande envergure… heureusement, la musique en dit assez pour que notre imagination prenne le relai…)

Voici un extrait d'un Tristan de Bayreuth (oubliez les armures, c'est très bien chanté par les sublimes Siegfried Jerusalem et Waltraud Meier.)

Les Huguenots  (1836) - G. Meyerbeer - "Tu l'as dit, oui tu m'aimes"

Raoul est protestant et aime Valentine qui est catholique... et mariée. Elle a aussi un père qui se trouve être à la tête du complot de la Saint-Barthélemy prévoyant de massacrer traitreusement dans la nuit tous les Protestants. Raoul, qui s'était faufilé chez Valentine, a eu vent du complot et veut s'élancer pour prévenir ses amis, mais il est retenu par Valentine qui est terrorisée à l'idée qu'il courre à la mort. Et quel meilleur moyen de le retenir que de lui faire l'aveu de son amour ? Raoul, bouleversé, émerveillé, en oublie le monde extérieur pendant un instant.

Ce duo, une des plus belles pages des Huguenots, aurait, dit-on, nourri l'inspiration de Wagner pour le duo d'amour de Tristan et Iseult !

 

 

Le Roi Arthus (1903) – Ernest Chausson - "Délicieux oubli des choses de la terre"

Autre couple éminemment célèbre : Lancelot (ténor), chevalier de la Table Ronde et Genièvre (mezzo-soprano), épouse du Roi Arthur, s’aiment passionnément, en dépit de l’amitié indéfectible qui devrait lier Lancelot à son ami Arthur. Comme dans Tristan, tout cela va très mal se terminer. Cet opéra est très peu connu, et c'est un plaisir de vous faire découvrir cette rare petite merveille :

Un Ballo in Maschera - 1858 – G. Verdi - "Teco io sto".

Autre exemple d’un amour coupable : le roi Gustave III de Suède aime passionnément l’épouse de son meilleur ami et conseiller, et ce sentiment est réciproque, mais ce sont de chastes amours. Parviendront-ils à résister à la tentation de la chair ? C’est tout l’enjeu de ce merveilleux duo qui a l’originalité de se dérouler… sous un gibet près d’un cimetière où Amelia (soprano) est venue cueillir la mandragore, censée lui apporter l'oubli de son amour et la sérénité. Mais le roi la suivie, et ne peut se résoudre à la laisser faire. 

Cette vidéo n'est pas de très bonne qualité, mais merveilleusement chantée :

 

Sinon, vous avez aussi Corelli/Crespin :

Francesca da Rimini (1913) – Riccardo Zandonai

Dans la lignée des amours malvenues : la passion de Paolo Malatesta pour Francesca, la femme de son frère. Il faut dire que le frère est difforme quand lui est un beau jeune homme. Ces amants là ne résistent pas, ils ont trop lu de romans d'amour du Moyen-Age, notamment ceux comptant les amours... de Tristan et Iseult et de Lancelot et Genièvre ! Pris en flagrant délit, Paolo et Francesca seront tués ensemble et descendront unis aux Enfers où ils tourbillonnent enocre éternellement enlacés dans le cercle de la Luxure. (Un témoignage tout à fait fiable de Dante qui les y a rencontrés.)

 

 

Et voici le final avec le beau Placido :

La Belle Hélène (1864) - Offenbach - "Oui, c'est un rêve". 

L'ambiance est un peu moins dramatique dans cet opéra bouffe d'Offenbach :

Hélène (mezzo-soprano) est l'épouse (presque) fidèle du roi de Sparte Ménélas. Mais la déesse Vénus a promis au jeune prince troyen Pâris (ténor) qu'il aurait l'amour de "la plus belle femme du monde", or Hélène se trouve être la plus belle femme du monde. C'est la fatalité ! s'exclame Hélène, soumise à la volonté divine. Le mari est donc envoyé en voyage, avec l'aide de Calchas, grand augure de Jupiter, et Pâris se faufile dans la chambre pour batifoler. Mais pour que l'honneur soit sauf, Hélène fait semblant de croire que ce n'est qu'un rêve. (Et c'est comme cela que la guerre de Troie a commencé...).

Voici la géniale production de Laurent Pelly avec Yann Beuron et l'irrésistible Felicity Lott :

 

I Pagliacci - Leoncavallo - "Non mi tentare"

Revenons au drame, avec le plus vériste des opéras véristes italiens : Nedda (soprano) est l'épouse de Canio, patron d'une troupe ambulante de Comedia del Arte. Il l'a recueillie et épousée. Elle lui doit beaucoup et elle le sait, mais elle est aussi beaucoup plus jeune que lui, et ne peut pas résister à l'appel de l'amour, en la personne d'un beau villageois, Silvio (baryton), devenu son amant. Mais cela ne peut pas durer, elle le sait... même si Silvio fait tout pour la convaincre de quitter son mari et rester avec lui. 

Ils seront finalement surpris par Canio... et cela va encore une fois mal se finir, puisque Canio va en avoir marre de jouer les maris trompés, sur scène et dans la vraie vie.

 


Jeunes filles et séducteurs

Abordons maintenant la question des duos de séduction, qui à l'opéra, ont tendance à se terminer mal pour la personne séduite. 

Don Giovanni (1787) – W.A. Mozart "La ci darem la mano".

Le séducteur le plus éminent, est bien entendu Don Juan, à qui Mozart a donné une personnalité passionnante. Dans ce chef d'oeuvre, le seul véritable "duo de séduction" est celui dans lequel Don Juan se lance en entreprenant la petite paysanne Zerline, dont il a allègrement chassé le mari au beau milieu de leur fête nuptiale. Notons que ce sera la seule tentative de séduction presque réussie de Don Juan dans tout l'opéra.

Rigoletto (1851) - G. Verdi - "E il sol del'anima"

Autre grand séducteur, moins "sympathique"que Don Juan : le Duc de Mantoue (ténor). Il qui se faufile discrètement auprès de la jeune et pure fille de son bouffon Rigoletto et parvient facilement à la séduire avec quelques platitudes très bien chantées, et en se faisant passer pour un pauvre étudiant (il paraît que cela plaît aux filles…).

Faust (1859) – Charles Gounod – "Il se fait tard - Laisse-moi contempler ton visage"

Faust est plus sincère lorsque, resté seul avec la jeune et naïve Marguerite, grâce aux entremises de Mephisto, il parvient à la convaincre de l’inviter dans sa chambre. Mais cela ne l’empêchera pas de causer malgré lui la perte de Marguerite. 


Cosi fan tutte (1790) - W.A. Mozart - "Il core vi dono"

Guglielmo a pour mission de tenter de séduire Dorabella, la fiancée de son ami Ferrando, Ferrando étant lui-même chargé de faire de même avec Fiordiligi. Les deux garçons sont persuadés que leurs fiancées leur resteront fidèle jusqu'à la mort... mais il ne faudra pas plus de 24heures pour que les jeunes femmes se laissent séduire. En fait, elles céderont pour la première fois à l'attrait des sens et du coeur.

Voici le duo d'amour entre Guglielmo (baryton) et Dorabella (mezzo-soprano). 

Orphée aux Enfers (1858) - Offenbach - "Duo de la mouche"

Retour à l'opéra bouffe français à présent avec Eurydice qui a suivi Pluton aux Enfers, pour échapper au mari qu'elle déteste, Orphée. Mais aux Enfers, elle s'ennuie ferme. Quel bonheur d'apercevoir une belle mouche, qui se cesse de lui tourner autour, une mouche qui n'est autre que Jupiter. Vous savez à quel point le Dieu aime le métamorphoser pour séduire les belles...

 

La tentation des vestales

L’opéra adore mettre en scène des jeunes femmes ayant fait vœu de chasteté, le but étant bien sûr pour les librettistes de les faire céder à la tentation de l’amour charnel, toujours plus fort que l’amour de Dieu. Et le sacrilège est toujours puni de mort. Voici quelques exemples de vestales se laissant séduire par d’inconséquents ténors :

Les Pêcheurs de Perles (1863) – G. Bizet –  « Ton cœur n’a pas compris le mien »

Nous sommes au Sri Lanka : la belle Leila est chargée par ses chants de protéger le village des pêcheurs de perles contre les intempéries. Elle a fait serment de rester chaste et de ne laisser s’approcher aucun homme pendant tout le temps qu’elle restera au village. Mais Leila n’avait pas prévu que Nadir, l’homme qu’elle aime secrètement serait là, et elle ne parvient pas à résister à ses avances.

 


Lakmé - (1883) – Delibes – « C’est le Dieu de la jeunesse »

Cette fois-ci, nous sommes en Inde, sous domination britannique. Lakmé, la fille du brahmane, vit secrètement dans temple hindou, loin des regards concupiscents des étrangers que son père abhorre. Gérald, un beau ténor anglais vient à passer et tombe immédiatement sous le charme de la jeune fille à laquelle il fait une ardente déclaration d’amour. Tout cela va bien entendu mal de finir pour Lakmé qui se suicide.

Norma (1831) - Bellini - "Va, crudele"

La Gaule, sous l'occupation romaine, à l'époque d'Astérix. Un Romain (en fait, c’est même le proconsul des Gaules), Pollione (ténor), tombe amoureux d’Adalgisa, une jeune gauloise promise à l’autel, et essaye de la convaincre de partir avec lui pour Rome. Elle l’aurait volontiers fait si l’incorrigible Pollione n’avait pas déjà fait deux enfants à la grande prêtresse gauloise Norma.

Scènes de séduction féminines

Mais les hommes ne sont pas les seuls à porter le malheur par leurs amours intempestives : les femmes ne sont pas en reste, et notamment la très charmante et très coquine Manon qui a inspiré deux des plus grands compositeurs d'opéra, dans des styles très différents : 

Manon Lescaut (1892) - G. Puccini - « O, saro la piu bella ». 

Manon a abandonné son bel et jeune amant Des Grieux, pour vivre une vie de luxe chez un vieil homme très riche qui la couvre de belles robes et de bijoux. Mais les caresses de Des Grieux lui manquent, et quand celui-ci fait irruption dans sa chambre, furieux, elle a tôt fait de le convaincre qu'elle l'aime toujours. 

Manon (1884) - J. Massenet - « Toi, vous ! ». 

Manon a ici aussi abandonné Des Grieux. Elle apprend ensuite que le jeune homme, dépité, s'apprête à entrer dans les ordres. Quoi ? Il oserait l'oublier ? Qu'à cela ne tienne, elle se précipite à Saint-Sulpice pour récupérer son amant, et n'aura guère de mal à le décider à jeter au loin sa soutane. 

Déclarations d’amour 

Avant toutes les trahisons et nuits de noces, il y a la belle et simple déclaration d'amour. En voici quelques splendides exemples. 

La Traviata (1853) - G. Verdi -  « Un di felice »

Le jeune Alfredo, venu de sa province, a l'idée saugrenue de tomber fou amoureux de la belle courtisane Violetta et le lui avoue avec une des plus belles mélodies du répertoire lyrique. Violetta, surprise, lui répond tout d'abord légèrement, comme pour lui rappeler qu'elle est une courtisane et ne peut céder à un amour romantique, puis, conquise, sa voix se mêle progressivement à la sienne. Peut-être a-t-elle enfin trouvé le grand amour ?

 

 

Porgy and Bess (1935) - Georges Gershwin - "Bess, you is my woman now"

Une communauté noire de Charleston. La belle Bess est très mal vue de la communauté car elle est la maîtresse de Crown, un homme violent et drogué. Quand celui-ci est obligé de s'enfuir après avoir tué un autre homme lors d'une rixe, la seule personne qui accepte d'accueillir Bess est le mendiant boiteux Porgy. La tendresse va finalement grandir entre ces deux êtres et Bess considère presque Porgy comme son époux... pour un temps...

 

 

Mefistofele (1868) - Arrigo Boito - "Forma ideale, purissima".

Il s'agit d'une des rares mises en musique du Second Faust de Goethe. L'histoire se situe après l'aventure avec Marguerite. Faust est de nouveau tombé amoureux, cette fois-ci d'une Hélène de Troie, une beauté idéale, symbole de la perfection artistique apollinienne de l'art grec. Lui, représentant de l'Esprit allemand, aspire à s'unir à elle pour former un couple parfait. Mais la beauté d'Hélène n'est qu'une beauté fictive, celle du monde illusoire des arts... et cet amour ne sera pas fait pour durer. La déclaration d'amour de Faust et l'ensemble qui s'ensuit sont absolument sublimes. 

(SVP, ne me demandez pas pourquoi il y a une tête de mort dans cet extrait...)

Tosca (1900) - Puccini - « Qual occhio al mondo »

Tosca, la cantatrice, et Cavadarossi le peintre, s'aiment passionnément. Tosca a un peu de mal à supporter que son amant peigne une Marie-Madeleine blonde aux yeux bleus alors qu'elle-même est brune, mais Cavadarossi parvient facilement à la rassurer : rien au monde ne vaut les beaux yeux noirs de sa Tosca. Voici un extrait d'un des enregistrements de référence de l'opéra de Puccini, avec la voix très sensuelle de Giuseppe di Stefano et celle, très dramatique de Callas. 

La Bohème (1896), Puccini - « O soave fanciulla »

Ils viennent de se rencontrer dans une petite mansarde parisienne : Mimi brode, Rodolphe écrit, ils sont tous les deux sans le sou, mais la lueur de la lune brille sur le visage pâle de la jeune fille, et le poète en extase ne peut que déclarer sa flamme, flamme immédiatement partagée. 

 

 

Don Pasquale (1843) , Donizetti - « Tornami a dir ». 

Voici un des plus célèbres opéras bouffes du répertoire belcantiste :

Ernesto aimerait bien épouser la belle Norina, mais son oncle, qui jusqu'ici l'entretenait et sur lequel il comptait, préfère garder son argent pour prendre lui-même une épouse, lui, le vieux barbon (pensez, si cela se trouve, il a au moins quarante ans.) Donc, il va falloir le dégoûter du mariage, ce dont Norina, déguisée, va se charger, en faisant semblant de l'épouser et en se comportant de manière abominable. La cerise sur le gâteau sera de tromper ouvertement son mari dans le jardin, avec... Ernesto bien évidemment. D'où un duo d'amour très passionné, mais aussi volontairement "surfait", puisqu'ils savent bien que le barbons les écoute.

 

Echange d’anneaux

Lucia di Lammermoor (1835) - G. Donizetti - "Verrano a te".

Encore un peu de bel canto romantique. Nous sommes en Angleterre. Edgardo et Lucia s'aiment... mais pas leurs familles. Pour des raisons politiques, Edgardo est forcé de partir pour la France, mais avant, il jure à Lucia un amour éternel, et ils s'échangent leurs anneaux, symboles de fidélité éternelle... le même anneau qu'Edgardo jettera plus tard à la figure de la pauvre Lucia, forcée par son frère d'en épouser un autre. 


I Puritani (1835) - Bellini - "A te o cara"

Encore l'Angleterre, à l'époque de Cromwell. Arturo et Elvira appartiennent à des familles politiquement rivales, mais qui acceptent pourtant qu'ils se marient, et tout va bien dans le meilleur des mondes possibles. Mais Arturo, partisan des Stuart, décide de sauver la Reine déchue, Henriette de France, prisonnière dans le château où justement a lieu le mariage, en la faisant passer pour sa femme. Il s'enfuie avec elle et est alors condamné à l'exil, pendant qu'Elvira, le croyant infidèle, en devient folle de douleur. Et pourtant, quel tendre échange d'anneaux dans ce premier acte ! (Bon, je vous rassure, pour une fois, cela finit bien.)

Mourir ensemble

L'opéra a un pouvoir magique : celui de sublimer la réalité, en donnant une dimension poétique et grandiose au réel et à des situations qui pourraient être morbides sans le pouvoir merveilleux de la musique. En voici deux exemples éloquents.

 

Andrea Chénier (1896) - U. Giordano - "Vicino a te"

Le poète André Chénier a été condamné et va être guillotiné par le Tribunal Révolutionnaire. La femme qu'il aime, Maddalena, décide de se faufiler dans sa prison en se substituant à une autre condamnée, pour mourir avec lui. Et ils montent ensemble à la guillotine. 

 

Aida (1870) - G. Verdi - "La fatal pietra - O Terra addio".

Ramadès, le chef de l'armée égyptienne, est condamné pour trahison à être enterré vivant, dans un caveau sous le temple. Résigné, il essaye de se consoler en se disant que sa belle Aida est vivante et heureuse loin d'ici. Mais Aida a préféré partager le sort de celui qu'elle aime et s'est faufilée discrètement dans le caveau avant la fermeture définitive par une lourde pierre. 

Voici deux vidéos. Les mise en scène sont laides, mais c'est bien chanté :

 

 

Das Wunder der Heliane, E.W. Korngold

"Le Miracle d'Héliane" est le chef d'oeuvre de Korngold, un génie connu pour un. autre merveilleux opéra, La Ville Morte... avant de devenir un des premiers grands compositeurs de musique de films.

L'oeuvre, post-romantique, n'a pas connu lors de sa création en 1927 le succès mérité.

Et pourtant, quelle musique merveilleuse! 

La belle et pure Héliane a été tuée par son mari, après avoir reconnu publiquement être tombée amoureuse de l'Etranger. Les deux amoureux quittent ce monde sans amour pour partir dans une autre dimension...


 

Ceci n'est qu'une petite sélection... d'autres duos sont à venir ! Je vous invite à consulter régulièrement cette page pour découvrir de nouvelles merveilles, et à faire vos suggestions. 

 

 Julia Le Brun

 

 

 



31/07/2018
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